L'Agorales synthèses

L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde


Politique

Les régimes politiques

D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.

Gouvernement d'un seul, gouvernement de quelques-uns, gouvernement du grand nombre, telles sont les trois grandes formes de gouvernement selon Aristote. Elles sont toutes les trois plus ou moins bonnes ou plus ou moins mauvaises selon qu'elles sont ou non exercées dans le respect des lois et l'intérêt commun

Aristote et la politie

Aristote compare les divers régimes, tels qu'il a pu les observer directement ou indirectement et il s'efforce d'établir une hiérarchie entre eux, mais en indiquant toujours qu'il faut s'assurer que tel régime convient bien à telle cité dans le temps. Le régime le meilleur en lui-même, dit-il, peut très bien ne pas convenir à telle cité; elle a alors intérêt à en choisir un autre.

S'il est exercé dans l'intérêt commun, le gouvernement d'un seul s'appelle royauté, dans le cas contraire, il s'appelle tyrannie; la bonne version du gouvernement de quelques-uns s'appelle aristocratie, la mauvaise, oligarchie; enfin, la meilleure forme de gouvernement par le grand nombre s'appelle politie et la pire démocratie. Aristote est à ce point convaincu que le gouvernement de la classe moyenne est le meilleur qu'il emploie pour le désigner un mot grec, politeia, qui signifie gouvernement. D'où le mot français politie dont le meilleur synonyme serait: le gouvernement par excellence. La politie n'est possible que là où il existe une classe moyenne forte. Le mot démocratie a ici un sens péjoratif. Il désigne le gouvernement par les plus démunis en l'absence de classe moyenne.

On peut donc soutenir, comme le fait Aristote, que l'aristocratie est préférable à la démocratie même si on est persuadé que le gouvernement par le grand nombre, sous la forme de la politie est le meilleur régime.

 

Genèse de la démocratie : neuf grands moments


D’abord paru  en 1991 dans le journal La Presse, à l'occasion du bicentenaire des institutions parlementaires du Québec

Dans la société que décrit Homère, celle du XIIe siècle avant Jésus-Christ, deux choses préfigurent et préparent la démocratie qui apparaîtra sept siècles plus tard : la liberté de parole et un souci de l'autre prenant la forme tantôt de l'hospitalité, tantôt de la compassion. Au Metropolitan Museum de New York, on peut voir un tableau de Rembrandt qui résume la genèse grecque de la démocratie. Un philosophe, Aristote (~384 ~322), y contemple un poète qui a vécu cinq cents ans avant lui, Homère. La grande tradition grecque est suspendue, presque palpable, entre leurs regards
~750 ? L’Iliade d’Homère

L'Illiade, le livre fondateur de la civilisation occidentale, s'ouvre sous le signe d'une indomptable liberté de parole. Les assemblées succèdent aux assemblées. Dans l'une d'elles, le soldat Thersite s'adresse en ces termes au généralissime Agamemnon:
«Allons! fils d'Atrée, de quoi te plains-tu? Tes baraques sont pleines de bronze, tes baraques regorgent de femmes, butin de choix, que nous les Achéens, nous t'accordons à toi, avant tout autre, chaque fois qu'une ville est prise. [...] Ah! poltrons! lâches infâmes! Retournons donc chez nous avec nos nefs et laissons-le là en Troade, à cuver ses privilèges.»

Mauvais augure pour la démocratie, me direz-vous, parce que, devançant Nietzsche, Homère présente le citoyen Thersite comme un homme de ressentiment, qui est poussé vers l'égalité non par un idéal authentique mais par ses lacunes personnelles: «Son coeur connaît des mots malséants à foison ... Bancroche et boiteux d'un pied, il a de plus des épaules voûtées, ramassées en-dedans. Sur son crâne pointu s'étale un poil rare.»

~600: Solon (~640, ~560)

Solon: législateur d'Athènes, l'un de sept sages de la Grèce. Le maître à penser de l'Occident chrétien, Aristote, avait toujours les yeux tournés vers Solon quand il traitait de politique; quand ils ont voulu introduire les lois écrites dans leur République, les Romains ont envoyé une délégation de sénateurs étudier les lois de Solon à Athènes.

~485: Cincinnatus

C'est pourtant à Rome que les démocrates modernes, Rousseau et Montesquieu notamment, ont trouvé leur inspiration. Dans la littérature toutefois, plus que dans la réalité historique.
Les historiens romains de l'époque classique (fin de la république, début de l'empire) ont créé le modèle vieux romain, en partie mythique, en partie fondé sur la réalité. Tite-Live par exemple raconte l'histoire de Cincinnatus, le patricien paysan qui a sauvé sa patrie, sans rien lui demander en retour. Un jour (~485), une délégation de sénateurs est venue le rencontrer alors qu'il labourait ses terres; elle lui proposa d'être dictateur de Rome pendant quelques semaines, le temps de vaincre les Eques. Cincinnatus remplit sa mission puis revint à sa charrue sans songer à conserver le pouvoir et sans demander de récompense.
Le citoyen a d'abord des devoirs. Sa liberté c'est sa responsabilité. Jean-Jacques Rousseau, qui apprit le latin chez les Jésuites, et Montesquieu qui fréquenta un collège oratorien, furent tous deux élevés dans le culte du modèle vieux romain. Le premier en tira les bases de son contrat social de même que l'idée que l'homme naît bon et qu'il est corrompu par la société (quand elle est trop évoluée). Le second en tira sa célèbre définition de la vertu et tout en demeurant un défenseur des privilèges de la noblesse dont il était, il proclama que la démocratie était le meilleur des gouvernements.

~59: À Rome, fondation du premier Journal
 

Les Acta Diurna

Le champion de la cause populaire à Rome fut Jules César (~100, ~44), mieux connu toutefois comme fondateur de l'empire. Chemin faisant, César inventa le premier journal, ce qui lui permit de réduire la puissance du Sénat.
Depuis plus d'un siècle, Rome se trouvait dans la même situation que la Grèce d'avant Solon.

Une grande dame, Cornélie, fille d'un Scipion et belle-mère d'un autre Scipion, prit fait et cause pour la plèbe romaine. Cette femme qui savait le Grec et tenait salon éleva ses deux fils Tiberius et Gaius dans un esprit de justice rappelant celui de Solon.

Saint Benoît (480, 547) père des élections

Que se passa-t-il entre la fin de l’empire romain et les temps modernes? Ma surprise fut grande quand, dans le magistral ouvrage de Jean Baechler, La démocratie (Calmann Lévy, Paris 1985), j'ai trouvé une réponse à ma question:«Pour le choix de l'abbé, l'élection a été retenue par saint Benoît au VIe siècle, toutes les autres techniques étant impossibles ou inadéquates. Le monachisme occidental est ainsi devenu par la force des choses et non de propos délibéré, un véritable laboratoire des pratiques électorales pendant au moins cinq siècles. Elles ont servi de modèles aux communes italiennes, avant d'être reprises par les régimes parlementaires. Les démocraties modernes ne doivent rien, en matière de techniques électorales aux démocraties antiques, dont l'expérience avait été oubliée, elles doivent tout aux ordres monastiques.»

1215...1689: La longue transition anglaise

Il faut avoir ces idées générales à l'esprit pour bien comprendre comment la démocratie est apparue dans l'Occident moderne. Le pouvoir du peuple s'accroîtra dans le sillage de l'idée de contrat, présentée sous diverses formes par Hobbes, Locke et Rousseau. Or l'idée de contrat marque une rupture radicale par rapport à celle de la sociabilité naturelle: on passe d'un pacte irrévocable imposé par la nature, à un pacte révocable signé par des êtres libres et égaux.
C'est en Angleterre que ces nouvelles idées recevront leur première formulation marquante. C'est en Angleterre également qu'avait été signé dès 1215 un contrat, appelé la Grande Charte, qui limitait les pouvoirs du roi, mettant un frein dans ce pays à la montée vers l'absolutisme dont Philippe II en Espagne et Louis XIV en France seront les plus illustres représentants. C'est Jean Bodin qui sera le théoricien de cet absolutisme. C'est au même Jean Bodin que l'on doit la définition de la souveraineté à laquelle on se réfère encore aujourd'hui.

1789...1917: La marche forcée vers l'égalité
1789: Révolution française
1917: Révolution russe

Cornélie, la mère des Gracques, eut tant de brillantes émules dans la France du XVIIIe siècle qu'une grande révolution eut lieu dans les salons et une autre ensuite dans la société.
Les idées qui triomphèrent dans les salons étaient depuis longtemps portées par les faits. «Lorsqu'on parcourt les pages de notre histoire, écrit Tocqueville dans De la démocratie en Amérique, on ne rencontre pour ainsi pas de grands événements qui, depuis sept cents ans, n'aient tourné au profit de l'égalité. Les croisades et les guerres des Anglais déciment les nobles et divisent leurs terres; l'institution des communes introduit la liberté démocratique au sein de la monarchie féodale; la découverte des armes à feu égalise le vilain et le noble sur le champ de bataille; l'imprimerie offre d'égales ressources à leur intelligence; la poste vient déposer la lumière sur le seuil de la cabane du pauvre comme à la porte du palais; le protestantisme soutient que tous les hommes sont également en état de trouver le chemin du ciel. L'Amérique, qui se découvre, présente à la fortune mille routes nouvelles, et livre à l'obscur aventurier les richesses et le pouvoir.»

1863-Abraham Lincoln, Le discours de Gettysburg

Le principal rédacteur de la Constitution américaine, Thomas Jefferson, avait lui-même des esclaves dans ses plantatations du Sud et il ne les a pas affranchis après avoir proclamé solennellement que tous les hommes sont égaux en droit. Il faut supposer que les Noirs n'étaient pas des hommes à ses yeux.
C'est pourquoi il convient de situer le triomphe de la démocratie en Amérique au moment de l'abolition de l'esclavage, après la victoire des armées du Nord, lors de la guerre de sécession.
Le discours de Lincoln prononcé au milieu de la guerre sur le champ de bataille de Gettysburg est d'une inspiration plus élevée que la Déclaration d'indépendance, dont il est d'ailleurs une critique à peine voilée.

Après le mur... de Berlin

Quand Lénine a plongé la Russie dans la terreur, il était persuadé que le mouvement qu'il lançait allait gagner très rapidement le reste de l'Europe. C'est le mouvement démocratique lançé en Pologne soixante-dix ans plus tard qui eut un tel effet d'entraînement. Le mur de Berlin tomba en 1989. Deux ans après, la démocratie avait triomphé dans toutes les nations de l'Est et dans toutes les républiques de l'ex-URSS.

 

 

 

 


 

Veiller sur la société civile

Il nous faut plus que jamais veiller sur cette société civile appelée ici philia, désormais prise en étau entre l'interventionnisme de l'État et le laisser-faire du marché.


« La philia, quel que soit l'équivalent français adopté, c'est la réserve de chaleur humaine, d'affectivité ,d'élan et de générosité (au-delà de la froide impartialité et de la stricte justice ou de l'équité) qui nourrit et stimule le compagnonnage humain au sein de la Cité : et cela à travers les fêtes, les plaisirs et les jeux comme à travers les épreuves. La philia, c'est aussi le sentiment désintéressé qui rend possible de concilier, comme le veut Aristote, la propriété privée des biens et l'usage en commun de ses fruits, conformément au proverbe – repris par l'auteur de la Politique à l'appui de sa thèse opposée à celle de Platon – qu'entre amis "tout est commun".Jean-Jacques Chevalier, Histoire de la pensée politique,tome 1, Payot, Paris 1979.

Choisir la philia comme fondement d'une politique, c'est donner raison à Aristote pour qui l'homme est un zoon politikon, un animal naturellement sociable, contre Hobbes pour qui l'homme est un loup pour l'homme. Cette sombre idée sert de fondement à notre marché, centré sur le calcul et les intérêts de chacun…et à l'État qui en est le contrepoids. C'est le règne de la méfiance, par opposition à celui de l'amitié.

La société civile

Voici une définition de la société civile, tirée d’un traité de science politique: L’ensemble des rapports inter-individuels, des structures familiales, sociales, économiques, culturelles, religieuses, qui se déploient dans une société donnée, en dehors du cadre et de l’intervention de l’État 1. En somme, la société civile, c’est ce qui reste d’une société quand on enlève l’État. Imaginons tout ce qui vit, se pense, se crée et se contracte en dehors des officines gouvernementales, de l’armée, du parlement et des tribunaux. Évidemment, la société civile n’habite pas un lieu précis; elle s’attache plus aux rôles institutionnels qu’aux personnes. Un fonctionnaire entre dans la société civile sitôt qu’il quitte ses bureaux.

[…]

Dans une note écrite en marge de son essai L’ancien régime et la Révolution, Tocqueville, qui avait aussi parcouru le Bas-Canada lors de son voyage de 1831, tenta d’expliquer l’infortune de la Nouvelle-France, vite dépassée par les colonies britanniques, plus prospères et plus peuplées. C’est la faiblesse même de la société civile en Nouvelle-France, soumise à un gouvernement monarchique centralisateur, qui freina son essor. Il n’y avait en Nouvelle-France, au contraire de l’ancienne, ni aristocratie féodale, ni autorité ecclésiastique, ni pouvoir judiciaire assez forts et assez anciens qui puissent tenir tête au gouvernement colonial. "Rien n’y empêchait le pouvoir central, écrit l’auteur, de s’y abandonner à tous ses penchants naturels et d’y façonner toutes les lois suivant l’esprit qui l’animait lui-même. Au Canada, donc, par l’ombre d’institutions municipales ou provinciales, aucune force collective autorisée, aucune initiative individuelle permise." Tocqueville vit à l’œuvre en Nouvelle-France une "administration se mêlant encore de bien plus de choses que la métropole", "employant toutes sortes de petits procédés artificiels et de petites tyrannies réglementaires pour accroître la population." Le comble de cette tyrannie pour Tocqueville s’illustrait par le fait que sous Louis XIV, tous les édits du roi pour la province sont contresignés par Colbert. Le Canada du régime français offrait l’image fidèle du gouvernement centralisateur que les Français imposeraient en Algérie en 1830. "Des deux côtés, on se trouve en présence de cette administration presque aussi nombreuse que la population, prépondérante, agissante, réglementante, contraignante, voulant prévoir tout, se chargeant de tout, toujours plus au courant des intérêts de l’administré qu’il ne l’est lui-même, sans cesse active et stérile."

 

La nation et l'État

À la symbiose de la Nation et de l'État peut être opposée la figure d'une nation posée comme régulatrice de l'omnipotence étatique.

Car la nation, dès l'origine latine du terme, apparaît comme l'expression d'une communauté sociale qui ne résulte pas d'une agrégation hasardeuse d'individus disparates, voire même d'une association contractuelle, mais qui constitue une corps organique, doté d'un principe d'unification interne qui se continue à travers des générations à la manière d'un héritage culturel. N'est-ce pas cette conception qui se trouve glorifiée par Renan lorqu'il écrit: "Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d' un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis"

La démocratie athénienne, miroir de la nôtre

 

La démocratie athénienne, miroir de la nôtre

Mieux la connaître pour mieux prévenir le passage, qui semble inéluctable, de la démocratie à la démagogie. La petite histoire de ce livre, paru en 1994, mérite un détour. Il a été publié par l’Agora, sans subvention, et tiré, en format livre de poche, à 10 000 exemplaires, ce qui réduisait le coût de l’impression à 0,50 $ l’unité. Démocratie oblige! Mais à ce prix, compte tenu des marges habituelles, l’ouvrage ne pouvait intéresser ni les distributeurs ni les libraires. Nous en avons vendu  7,000 exemplaires à des maisons d’enseignement à 2,00$ l’unité, libre à elles de le donner à leurs étudiants ou de le leur vendre au prix encore très modeste de 5,00 $.

Leçon : le marché ne favorise pas la démocratie. Il ne s’agissait pas d’un livre savant, mais tout au moins d’un livre honnête et original présentant les faits et les interprétations les mieux accrédités. Voici le livre en trois parties.

La démocratie athénienne, première partie

D’Homère à Solon, de Solon à Périclès…et à la démagogie. Périclès. .Un aristocrate choisi par un peuple, inspiré par un sage, Anaxagore, et par une femme hors du commun, Aspasie... En dépit de tous ces avantages i succomba, par amour de la beauté, à une démesure qui devait s'avérer fatale pour Athènes et sa démocratie.

[…]

Anaxagore, l'ami et le maître

Quelle éducation Périclès avait-il donc reçue pour exceller ainsi dans tous les domaines, pour s'entourer de la plus belle constellation de génies qui ait jamais été rassemblée dans un même lieu et pour donner une indicible unité à la variété des oeuvres qu'il ordonnait, depuis les jeux de musique de la fête des Panathénées jusqu'à la chapelle des mystères à Éleusis?

Nous avons vu comment Périclès s'est porté au secours du philosophe Anaxagore, quand ce dernier était disposé à se laisser mourir. L'amitié de ce sage, qui était aussi un savant, eut sur lui le même effet bienfaisant que celle de Solon sur Pisistrate.

«L'ami le plus intime de Périclès, nous dit Plutarque, celui qui contribua le plus à lui donner cette élévation, cette fierté de sentiments, peu appropriée, il est vrai, à un gouvernement populaire; celui enfin qui lui inspira cette grandeur d'âme qui le distinguait, cette dignité qu'il faisait éclater dans toute sa conduite, ce fut Anaxagore de Clazomène, que ses contemporains appelaient l'Intelligence, soit par admiration pour ses connaissances sublimes et sa subtilité à pénétrer les secrets de la nature, soit parce qu'il avait le premier établi pour principe de la formation du monde, non le hasard et la nécessité, mais une intelligence pure et simple qui avait tiré du chaos des substances homogènes. Pénétré de l'estime la plus profonde pour ce grand personnage, instruit à son école dans la connaissance des sciences naturelles et des phénomènes célestes, Périclès puisa dans son commerce non seulement une élévation d'esprit, une éloquence sublime éloignée de l'affectation et de la bassesse du style populaire, mais encore un extérieur grave et sévère que le rire ne tempérait jamais, une démarche ferme et tranquille, un son de voix toujours égal, une modestie dans son port, dans son geste et dans son habillement que l'action la plus véhémente, lorsqu'il parlait en public, ne pouvait jamais altérer. Ces qualités, relevées par beaucoup d'autres, frappaient tout le monde d'admiration.»

Cette vision d'un monde gouverné par une intelligence suprême est de toute évidence le principe secret de la merveilleuse unité que Périclès a introduite dans toutes ses oeuvres. Les penseurs de cette époque s'intéressaient aussi bien aux lois qui régissent l'univers qu'à celles qui régissent les sociétés humaines. La politique était à leurs yeux indissociable de la cosmologie. La ressemblance entre le macrocosme et le microcosme allait de soi. Le macrocosme c'était l'univers, le microcosme c'était tantôt la Cité, tantôt l'âme humaine.

Cette intelligence qu'Anaxagore voyait à l'oeuvre dans le cosmos, Périclès s'efforça de la faire régner sous la forme de la justice, dans la cité qu'il dirigeait, sous la forme de l'harmonie, dans les oeuvres d'art qu'il commandait. Dans un poème intitulé Le temple d'Éphèse,Victor Hugo trouvera des accents inoubliables pour évoquer l'unité d'inspiration des grandes cités grecques dont Athènes est le modèle:

«Ma symétrie auguste est soeur de la vertu...
Sparte a reçu sa loi de Lycurgue rêveur,
Moi, le temple, je suis législateur d'Éphèse;
Le peuple en me voyant comprend l'ordre et s'apaise….

Chapitre 5: La démagogie
C'est un processus plutôt qu'une étape que nous décrivons ici, le processus par lequel de bonnes mesures tels que l'ostracisme et le paiement d'indemnités aux citoyens fonctionnaires se transforment insensiblement en instruments de corruption du peuple lequel, de responsable qu'il était, devient une clientèle prête à se vendre à l'orateur qui saura le mieux le flatter.
Le ver de la démagogie, dont Périclès avait su retarder les méfaits, était dans le fruit de la démocratie depuis le début. Les dirigeants, élus pour la première fois à partir de ~507, suite aux réformes de Clisthène, furent d'autant plus tentés de se concilier la faveur du peuple par des flatteries et des avantages que ce peuple avait plus de pouvoir.

Le prédécesseur immédiat de Périclès à la tête du parti populaire, Éphialte, attacha son nom à une réforme qui marque à la fois l'achèvement de la démocratie et le commencement d'une bureaucratie ruineuse et de ce qu'on appellerait aujourd'hui la corruption électorale : la « mistophorie » (misthos, salaire, phérô, porter) c'est-à-dire la rémunération de tâches auparavant bénévoles.

La démocratie athénienne, deuxième partie

Le tribunal des génies

La démocratie athénienne jugée par les génies qu'elle a enfantés.

Le siècle de Périclès fut aussi celui d’Eschyle, de Sophocle, d’Aristophane, de l’historien Thucydide, de Socrate et de Platon, le maître d’Aristote, celui qui au siècle suivant fera la synthèse de l’expérience athénienne pour en transmettre le souvenir à la postérité.

Quand ils furent des acteurs, quel rôle ces génies jouèrent-ils dans la cité démocratique? Quand ils ne furent qu’observateurs, quel a été leur témoignage? Eschyle voulut qu’on inscrive sur son tombeau, non pas «auteur de Prométhée enchaîné» mais: «il a combattu à Marathon». Rien ne dit mieux ce qui fit la force de la démocratie athénienne: le courage de ses citoyens et une hiérarchie des valeurs qui plaçaient ce courage au-dessus des qualités les plus enviées, le génie littéraire par exemple.

Nous nous limiterons, dans le cas d’Eschyle, à contempler l’inscription sur son tombeau. Pour ce qui est d’Aristophane, de l’historien Thucydide, de Socrate, de Platon et d’Aristote, nous leur donnerons la parole après avoir situé dans leur contexte les extraits que nous aurons choisis.

[…]

L’homme démocratique selon Platon

Pour Platon, l’homme démocratique est avant tout

celui qui confond les désirs superflus et

les désirs nécessaires.

- N’a-t-on pas raison d’appeler désirs nécessaires ceux qu’il n’est pas en notre pouvoir de retrancher ni de réprimer et qu’il nous est d’ailleurs utile de contenter? Car il est évident que ce sont des nécessités naturelles [...].

- Mais le désir de toute sorte de mets et de ragoûts, désir qu’on peut réprimer, et même retrancher entièrement par une bonne éducation, désir nuisible au corps et à l’âme, à la raison et à la tempérance, ne doit-il pas être compté parmi les désirs superflus? - Sans contredit [...].

- Comment (l’homme démocratique) vit-il après cela? Sans distinguer les plaisir superflus des plaisirs nécessaires, il se livre aux uns et aux autres; il n’épargne, pour les satisfaire, ni son bien, ni ses soins, ni son temps. S’il est assez heureux pour ne pas porter ses désordres à l’excès, et si l’âge, ayant un peu apaisé le tumulte de ses passions, l’engage à rappeler de l’exil la faction bannie, et à ne pas s’abandonner sans réserve au parti vainqueur, il établit alors entre ses désirs une espèce d’égalité, et les faisant, pour ainsi dire, tirer au sort, il livre son âme au premier à qui le sort est favorable. Ce désir satisfait, il passe sous l’empire d’un autre, et ainsi de suite; il n’en rebute aucun, et les favorise tous également.

- Cela est vrai.

- Que quelqu’un vienne lui dire qu’il y a des plaisirs de deux sortes: les uns qui vont à la suite des désirs innocents et légitimes, les autres qui sont le fruit des désirs criminels et défendus; qu’il faut rechercher et estimer les premiers, réprimer et dompter les seconds: il ferme toutes les avenues de la citadelle à ces sages maximes, et n’y répond que par des signes de dédain; il soutient que tous les plaisirs sont de même nature et méritent également d’être satisfaits.

- Telle doit être, en effet, sa conduite dans la disposition d’esprit où il se trouve.

- Il vit donc au jour le jour. Le premier désir qui se présente est le premier satisfait. Aujourd’hui, il fait ses désirs de l’ivresse et des chansons bachiques; demain, il jeûnera et ne boira que de l’eau. Tantôt il s’exerce au gymnase, tantôt il est oisif et n’a souci de rien. Quelquefois il est philosophe; le plus souvent il est homme d’État, il monte à la tribune, il parle et agit sans savoir ni ce qu’il dit ni ce qu’il fait. Un jour, il porte envie à la condition des gens de guerre, et le voilà devenu guerrier; un autre jour, il se jette dans le commerce. En un mot, il n’y a dans sa conduite rien de fixe, rien de réglé; il ne veut être gêné en rien, et il appelle la vie qu’il mène une vie libre, agréable, une vie de bienheureux.

- Tu nous as dépeint au naturel la vie d’un ami de l’égalité.

- Son caractère, qui réunit en lui toute sorte de moeurs et de caractères, a tout l’agrément et toute la variété de l’État populaire, et il n’est pas étonnant que tant de personnes de l’un et de l’autre sexe trouvent si beau un genre de vie où sont rassemblées toutes les espèces de gouvernements et de caractères.

- Je le conçois.

- Mettons donc vis-à-vis de la démocratie cet homme qu’on peut à bon droit nommer démocratique.

- Mettons-l’y.

Source: Platon, La République, traduction Dacier et Grou, livre VIII, 555b à 561, 1920.

La démocratie athénienne, troisième partie

Troisième partie: Reflets pour notre temps

Chapitre 1: Civisme et cosmopolitisme

On peut tirer les leçons les plus diverses de l’expérience démocratique athénienne. Chaque époque en a tiré les siennes. C’est la solidarité entre les citoyens athéniens et le sens des responsabilités des élites qui doit retenir l’attention de tous les démocrates du monde, surtout de ceux dont les pays, arrivant endettés au terme d’un cycle de cinquante années de prospérité, vivent une mutation dont les conséquences pourraient être désastreuses.

Solon, Pisistrate, Clisthène, Périclès, tous ces grands défenseurs et représentants du peuple athénien étaient des nobles qui s’élevaient au-dessus des intérêts propres à leur caste, pour partager les avantages de leur situation avec l’ensemble de leurs concitoyens et élever par là leur cité en s’élevant eux-mêmes. Et ils le faisaient en acceptant le principe de l’égalité jusque dans ses ultimes conséquences. C’est un noble, Clisthène, qui a été à l’origine de la loi sur l’ostracisme. C’est un autre noble, Périclès, qui obtiendra qu’on verse des indemnités pour certaines fonctions accaparantes, ce qui devait permettre aux plus pauvres parmi les citoyens d’assumer leurs responsabilités civiques sans se ruiner. Un citoyen, un vote! Jamais ce principe ne sera poussé plus loin par la suite, l’intelligence animant la parole étant seule autorisée à accroître l’influence d’un individu. À la guerre, dont aucun citoyen ne cherchait à être exclu, une seule cause: la défense de la patrie.

Refuser d’aller à la guerre, c’était la honte. Le problème semble ne s’être guère posé tant l’attachement à la cité était grand chez tous les citoyens. Et voici l’autre aspect de la solidarité, son fondement même: le patriotisme, l’enracinement. Chaque cité avait ses dieux, son histoire, ses heures de gloire, ses poètes, ses sages, ses artistes. Ce présent et ce passé, enfermés dans un petit territoire familier et liés l’un à l’autre comme la feuille à la branche, constituaient un objet d’attachement tel qu’il allait de soi d’accepter la mort pour le protéger. Sa cité comptait plus que sa personne aux yeux d’un Athénien, d’un Spartiate ou d’un Thébain.

Tribalisme, nationalisme, dirions-nous aujourd’hui avec mépris pour donner notre appréciation de ce civisme qui, à l’époque, paraissait si naturel qu’Aristote, à force de l’observer, en tira la conclusion que l’homme est un zoon politikon, un animal qui vit en cité.

Notre époque semble toute fière d’avoir enfin dépassé cet attachement qui fut la cause de tant de guerres. Nous voici enfin à l’ère du cosmopolitisme. Nous devrions au moins avoir l’honnêteté de dire «nous revoici»! Le mot cosmopolite, qui veut dire littéralement «citoyen du monde», date de l’époque de l’Empire d’Alexandre. Unis par ce grand capitaine par-delà leurs cités, qu’ils apprenaient ainsi à mépriser, les Grecs allaient désormais se percevoir eux-mêmes comme des citoyens du monde, ce qui eut comme principal effet de les préparer à devenir les esclaves des seuls vrais cosmopolites de l’époque: les Romains. Dans le cas de ces derniers, le cosmopolitisme avait l’insigne avantage de coïncider avec l’attachement à leur propre patrie, une cité: Rome.

Adieu Sophocle d’Athènes, adieu Thalès de Milet, Anaxagore de Clazomène, Hippocrate de Cos, Pythagore de Crotone. Mais n’est-ce pas à ces produits du tribalisme que nous devons le plus beau sens du mot et les accents les plus justes pour dire ce souci de l’humanité pour elle-même? Écoutons ce chant de Pindare de Béotie...

«Qu’est l’homme, que n’est pas l’homme
L’homme est le rêve d’une ombre
Mais quelquefois, comme un rayon venu d’en haut
La lueur brève d’une joie descend sur lui
Et il connaît quelque douceur.»

Le cosmopolitisme contemporain donnera-t-il de si beaux fruits? Sur le plan social, il semble pour l’instant plutôt destiné à créer dans chaque pays, dans chaque patrie, une oligarchie indifférente au sort de la majorité. Dans un ouvrage qu’il aura terminé juste avant sa mort, The Revolt of the Elites and the Betrayal of Democracy, Christopher Lasch, l’auteur de Culture du narcissisme, pour expliquer l’émergence de cette oligarchie, se rapporte à un classique de la pensée politique: La Révolte des masses d’Ortéga Y Gasset.

Ce livre, paru en 1926, avait quelque chose de prophétique en ce qu’il annonçait, en exposant les causes du phénomène, la façon dont l’homme-masse allait imposer sa barbarie dans divers pays d’Europe. À ce moment, l’industrialisation se poursuit de façon accélérée. Tous les espoirs semblent permis aux travailleurs qui, d’une part assurent le fonctionnement des usines et d’autre part, ont constitué l’essentiel des troupes pendant la guerre de 1914-18. Les partis politiques de masse existent déjà en Allemagne et en Italie, en URSS, la révolution bolchevique se poursuit.

L’homme-masse inspirait des craintes à Ortega y Gasset, parce qu’il ne voyait pas de limites à l’expansion de sa puissance, parce qu’il se définissait par ses droits plutôt que par ses obligations, parce qu’il ignorait tout de l’histoire, parce qu’il se montrait incapable d’admiration et d’émerveillement devant ce qui avait fait la grandeur de l’Europe, devant la Grèce ancienne en particulier, parce qu’il voulait tout, sur-le-champ, y compris dans ses amours. étant ainsi trop bien armé sur le plan des désirs, et désarmé sur le plan du jugement, l’homme-masse pouvait facilement être manipulé par des dictateurs dont le destin insensé allait se confondre avec le sien. Ce qui ne manqua pas de se produire.

Dans ce portrait de l’homme-masse des années 1920, Christopher Lasch reconnaît celui de l’élite d’aujourd’hui. Cette élite, c’est dans la plupart des pays riches, membres du nouveau club mondial, la tranche supérieure de la population, cet heureux 20% qui s’est enrichi au cours des vingt dernières années pendant que la désindustrialisation appauvrissait et affaiblissait la majorité au point que cette dernière, qui rêvait de toute puissance, il y a moins d’un siècle, semble s’être résignée à un sort de plus en plus sombre. Le militantisme à la base de la société est désormais confiné à des groupes féministes ou ethniques qui font le jeu de l’élite en ce sens que leur but est de se tailler une place au sein de cette élite et non d’assurer la promotion de la majorité comme telle.

L’élite, qui est-elle? Elle est constituée de ceux et celles qui possèdent et contrôlent l’information et qui sont ainsi les maîtres des signes abstraits par lesquels transite l’information. On aura reconnu les banquiers, les courtiers, les cadres supérieurs des entreprises, les informaticiens, les ingénieurs, les professionnels en général, les journalistes, les vedettes du cinéma et de la télévision, les professeurs d’université. Ceux et celles! Le féminin dans ce cas est plus qu’une concession à la political correctness, pour la bonne raison que désormais, les branchés ont tendance à se marier entre eux, contrairement à ce qui se faisait auparavant, quand le médecin épousait une infirmière et le patron sa secrétaire. Deux fois 60 000$ égalent 120 000$; deux fois 20 000$ égalent 40 000$. C’est ainsi, précise Christopher Lasch, que se creuse le fossé entre le premier 20% et le reste de la population.

Cette élite a les mêmes valeurs que l’homme-masse des années 1920: oubli du passé et irresponsabilité à l’égard de l’avenir, indifférence à l’égard des problèmes et des aspirations du reste de la société, souci narcissique de soi, de sa forme physique - promesse d’une espèce d’éternité sur terre et condition d’un désir de réussite qui ne connaît pas de limite. Il s’agit, précise Lasch, d’une méritocratie qui induit chez ses membres qu’ils ne doivent rien au reste de la société puisqu’ils ont acquis leur pouvoir de haute lutte dans le respect de l’égalité des chances. Cette importance attachée au mérite personnel a pour conséquence que la nouvelle élite ne se reconnaît pas à elle-même les obligations que la noblesse traditionnelle se reconnaissait.

Et de même que l’homme-masse de jadis se reconnaissait assez bien dans l’internationale communiste, de même les représentants de l’élite d’aujourd’hui profitent-ils de la mondialisation des échanges - qui est d’ailleurs leur oeuvre - pour rompre les derniers liens avec les pays et les nations qui les ont mis en orbite internationale. Toute manifestation de sentiment d’appartenance leur apparaît comme une forme méprisable de tribalisme. Excellent prétexte supplémentaire pour s’enfermer dans des banlieues et des condominiums à sécurité privée maximale. Que la majorité tribale se débrouille seule avec ses problèmes de criminalité!

Nouvelle oligarchie, trahison de la démocratie. Le sous-titre du livre de Lasch s’imposait. Et voici comment l’exemple de la Grèce antique vient à notre secours; l’enracinement, l’attachement à sa cité, à sa patrie sont les conditions de la solidarité sans laquelle aucune harmonie sociale n’est possible.

«La crainte, écrit Lasch, que le langage international de l’argent ne parle plus fort que les dialectes locaux est à l’origine de la renaissance des particularismes ethniques en Europe, au moment même où le déclin de l’État-nation affaiblit la seule autorité capable de tempérer les rivalités ethniques. La renaissance du tribalisme, à son tour, renforce la tendance au cosmopolitisme au sein de l’élite». Chose étonnante, c’est Robert Reich, le Secrétaire américain du travail qui, en dépit de son admiration pour l’élite constituée d’analystes des symboles, a proposé les réflexions les plus pénétrantes sur les côtés sombres du cosmopolitisme: «Sans attachements nationaux, nous rappelle-t-il, les gens sont peu enclins à faire des sacrifices ou à assumer la responsabilité de leurs actes. Nous apprenons à nous sentir responsables des autres parce que nous partageons avec eux une histoire commune, une culture commune, un destin commun. La dénationalisation de l’entreprise tend à produire une classe de cosmopolites qui se voient comme des citoyens du monde, mais sans accepter aucune des obligations qu’implique la citoyenneté dans une entité politique normale.»

Deux nouveaux facteurs aggravent le sort présent et futur de la majorité abandonnée à elle-même par la méritocratie: on n’a plus besoin de travailleurs dans les usines ni de soldats dans les armées. Les robots et les systèmes d’information remplacent les soldats aussi bien que les ouvriers. C’est à Marathon et à Salamine que les plus humbles parmi les citoyens athéniens ont accédé à l’égalité avec les nobles. Ces derniers avaient d’autre part senti la nécessité de la solidarité avec les citoyens parce qu’ils voyaient venir des guerres qu’ils ne pouvaient pas gagner seuls avec des mercenaires. Pendant toute l’ère industrielle, en plus de mériter leurs galons sur les champs de bataille, les plus humbles parmi les citoyens des démocraties occidentales étaient nécessaires dans les usines. En dépit de toutes ces circonstances qui leur étaient favorables, leur sort a été dur. Quel sera leur sort désormais, puisqu’on n’a plus besoin d’eux?

Il faut espérer qu’il se trouvera encore dans l’élite quelques personnes cultivées qui se souviennent de cette réponse de Solon à un étranger qui lui demandait quelle était à ses yeux la cité la mieux policée: «Celle où tous les citoyens sentent l'injure qui a été faite à l'un d'eux, et en poursuivent la réparation aussi vivement que celui qui l'a reçue.»

Remède ou poison?

« Politique.-- Dans la mesure où l'on en fait le remède universel, elle devient le poison universel» Gustave Thibon, Le voile et le masque.

Hétérotélie

 

« Je fais le mal que je ne veux pas, je ne fais pas le bien que je veux ».  L'hétérotélie c'est la transposition en politique de cette pensée de saint Paul. Certains auteurs l'appellent « l'ironie de l'histoire », d'autres la « dérive de l'histoire ». Le mot grec eteros signifie autre, le mot telos fin. L'hétérotélie est un résultat autre que celui que l'acteur principal avait à l'esprit à l'origine. Au cours de la décennie 1930, les pacifistes de France et d'Angleterre voulaient éviter la guerre. L'histoire a prouvé qu'ils l'ont plutôt provoquée, Hitler ayant profité du climat créé par eux pour accroître ses avantages par rapport à ses ennemis. Chez Hegel, l'hétérotélie devient une « ruse de la raison », chez Max Weber le « paradoxe des conséquences », chez Raymond Boudon, les « effets pervers ». C'est toutefois à Jules Monnerot que revient le mérite d'avoir élaboré la théorie la plus complète sur le sujet.

[…]

Nicole Jetté-Soucy aborde cette question dans L'homme tragique, nature de l'action politique : « On peut, écrit-elle, distinguer trois cas d'hétérotélie, qui se traduisent chez l'agent par un sentiment d'échec partiel ou total : l'acteur atteint le but qu'il visait, mais touche en même temps un autre but qu'il aurait accepté ou refusé s'il l'avait connu à l'avance; l'acteur n'atteint pas le but qu'il visait, mais un autre but qu'il aurait accepté ou refusé s'il l'avait connu à l'avance; l'acteur n'atteint pas le but qu'il visait, mais un but contraire, qu'il aurait catégoriquement refusé s'il l'avait connu à l'avance. Dans ce dernier cas, où le sentiment de l'échec et du tragique atteint sa plus haute intensité, l'acteur aurait renoncé à agir « s'il avait su ».

Le sondage délibérant

Le sondage est un instrument d'observation mis au point à partir de deux techniques qui existaient auparavant: l'échantillonage, qui appartient au domaine des statistiques, et la technique du questionnaire, utilisée pour la recherche en sciences sociales. Le traitement statistique des réponses à un sondage exige qu'on puisse répondre aux questions par "oui" ou "non", ou "je ne sais pas". Il ne permet pas à la personne interrogée de nuancer sa réponse. Comment ne pas y voir une forme de mépris pour l'électeur? Par ailleurs, le sondage téléphonique interrompt les activités d'une personne et lui demande de répondre à une série de questions sans lui laisser le temps de réfléchir. Une opinion, par rapport à un préjugé, est une idée qui a été travaillée par la réflexion et la discussion. À cet égard, le sondage d'opinion n'est qu'un prélèvement superficiel de préjugés ou d'idées toutes faites. Comment ne pas y voir une autre forme de mépris? Quant à la perspective d'être réduit à un numéro dans un groupe de "sondés", elle n'est pas de nature à flatter l'ego de l'électeur qui accepte de répondre au sondage... Ne serait-il pas plus respectueux pour l'individu interrogé de lui laisser le temps de réfléchir et de lui permettre de préciser sa pensée? Sans doute! Toutefois, il ne s'agirait plus d'un sondage d'opinion, mais d'une forme de consultation populaire dont le caractère scientifique du sondage ne saurait s'accommoder.

 

À propos de L’empire en marche : les métamorphoses de la magnanimité , de la cité à l’empire, et de l’empire à l’État-nation

L’empire en marche de Marc Chevrier est une œuvre d’une richesse scientifique, littéraire et philosophique inépuisable. Une de ses idées directrices est le rapport étroit qu’entretiennent l’âme humaine et la politique. Comme Pierre Manent, Chevrier renoue avec les fondateurs de la philosophie politique, Platon et Aristote, pour qui la politique est essentiellement une affaire d’idées, de sentiments et de décisions d’individus en relations les uns avec les autres. L’empire en marche est une véritable somme de connaissances historiques, juridiques et politiques. La recherche est menée avec une exhaustivité qui fait de l’ouvrage un classique contemporain. Ce foisonnement de connaissances est rendu vivant, léger même, par les nombreux dialogues que Marc Chevrier mène avec les grands penseurs, dont Montesquieu et Hegel entre autres, et par l’attention qu’il accorde aux idées et aux actions des personnalités historiques. La place centrale qu’y occupe la parole littéraire, aussi bien celle de Musil que celle de l’auteur, anime les connaissances et l’argumentation philosophique d’un souffle, d’un esprit humain, personnel. Cette approche se distingue d’une bonne partie de la recherche en sciences sociales, qui marche sur les traces de Machiavel, Hobbes et Marx, ces trois penseurs ayant fait de la politique une affaire d’intérêts et de mécanismes. Les penseurs qui prennent l’âme au sérieux suivent en cela, de près ou de loin, Platon, pour qui l’institution d’un régime politique est l’œuvre commune des individus, et pour qui aussi, en retour, le régime politique influence l’âme des individus, en éveillant certains affects plus que d’autres, et en affermissant plus ou moins la connaissance et la raison.

Dans cette rétroaction entre les individus et leur régime politique, le développement de la vertu a toujours été l’enjeu principal pour les penseurs classiques. Les régimes politiques ne permettent pas tous de développer la vertu de la même façon, ni même simplement de la développer, comme dans le cas de la tyrannie qui est avant tout l’instauration dans l’âme d’une domination des désirs animaux et infantiles. Comme les différents régimes, tyrannie, république, oligarchie, etc., les différentes formes politiques, cité, royaume, État-nation ou empire, favoriseront ou nuiront à l’actualisation des potentialités de notre âme. Le fait de vivre dans un empire plutôt que dans un État-nation a des conséquences immenses sur la psychologie et le développement moral des individus. Comme la différence entre les formes politiques en est essentiellement une de grandeur, il n’est pas étonnant que la grandeur à laquelle on peut aspirer, et la façon d’y aspirer, dépend en bonne partie de la forme politique dans laquelle on vit. La vertu qui donne sa mesure à la grandeur est la magnanimité, megalopsychia en grec, soit la grandeur d’âme. Bien que cette vertu semble aujourd’hui désuète, de nombreux signes nous font sentir que la recherche de grandeur est un profond besoin de l’âme humaine : l’adolescent qui rêve au combat héroïque contre le dragon, les militants qui s’enflamment pour la Cause, les phénomènes naturels sublimes qui nous plongent dans la stupeur. L’admiration universelle pour des figures comme Gandhi, Luther King ou Mandela montre assez clairement que la magnanimité, reste, au moins implicitement, une vertu chère au cœur humain.

Pour une psychanalyse de la démocratie

Der Apfel fâllt nicht weit vom Stamm.

  • Proverbe allemand.

    Le chef est l'image du père, le peuple est l'image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n'aliènent leur liberté que pour leur utilité.
    J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social.

    Plus grande est la foule,
    Plus aveugle est son coeur.
    PINDARE, Néméenne VII, 24.

    La démocratie est le pire des régimes
    politiques à l'exception de tous les autres.
    Winston CHURCHILL.

    Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques.
    A. RiMBAUD, "Démocratie", Illuminations.

    Tel père tel fils
    Où et quand commence la démocratie? À en croire Freud, le premier acte démocratique fut le meurtre du père primitif. Acte donc éminemment négatif, d'envie, de convoitise. Les fils de la "horde primitive" convoitent le monopole de la procréation, expression par excellence du pouvoir, que détient seul le père. Eliminer, tuer le père, c'est faire accéder le groupe, la totalité de ses membres, aux privilèges procréateurs du père, qui, de ce fait, se " démocratisent ".1 Les fils alors forment une "fraternité", sorte de pacte de solidarité entre frères, c'est-à-dire entre égaux,2 qui vise essentiellement à éviter un semblable assassinat de l'un d'eux par un autre frère.3 Ainsi donc, le résultat le plus clair de cette "égalité démocratique"' de tous les membres du clan est qu'elle répartit sur tous un privilège/monopole (et qui de ce fait disparaît), dont auparavant un seul jouissait.

    Fiction intéressante que celle de Freud,5 puisqu'elle postule un seul père, qui, autoritairement et jalousement, monopolise les pouvoirs créateurs, et qui doit être éliminé d'abord avant que les fils n'y accèdent, comme si, tout naturellement un jour, les fils ne pouvaient devenir pères. Lorsqu'on se place, comme Freud, du côté d'Oedipe, aucun luxe d'imagination n'est trop grand pour justifier, pour légaliser le meurtre du père. Meurtre rituel qui prend l'allure d'une rédemption collective. La faute d'Oedipe est absoute par le collectif, le démos. Même plus besoin d'exagérer l'égoïsme tyrannique de l'autocratie paternelle: d'emblée les fils font figure de libérateurs, de rédempteurs. Ce qui justifie à leurs yeux ce geste criminel, ce qui finalement le légalise, c'est que ce pouvoir paternel n'est pas revendiqué par un seul, mais qu'il est partagé de façon égalitaire, démocratiquement. En suivant Freud jusque-là, rien ne nous empêche d'aller encore plus loin, en généralisant: tout partage démocratique entre fils présuppose et camoufle en même temps le meurtre d'un père, sous la forme atténuée du souvenir refoulé d'un pouvoir autocratique antérieur. Le Spectre du père assassiné, tel celui de Hamlet, ne cesse de hanter périodiquement l'imaginaire de nos démocraties...

    La fiction freudienne du père originel (Urvater), qui trouve d'ailleurs son pendant exact dans cette autre fiction, qu'est l'égalité mathématique des fils qui se fondent dans une masse indistincte, agissant comme un seul homme, cette fiction donc est révélatrice de la conception qu'a Freud à la fois de la paternité et de la démocratie. Les deux vont d'ailleurs toujours de paire. Face à un père tyrannique, intraitable, qui se double religieusement de Jahvé, Dieu autocratique de l'Ancien Testament, le pouvoir démocratique des fils n'est pensable qu 'à travers la suppression pure et simple du père. Freud a-t-il raison d'opposer, jusqu'à l'exclusion mutuelle, pouvoir paternel et pouvoir démocratique des fils ? Ou la démocratie ne serait-elle pas d'abord le reflet de l'image que les fils projettent du père? A père omnipotent et tyrannique, fraternité tyrannique qui, en supprimant la présence du père, ne fait que se substituer, dans sa totalité, à la tyrannie du père. À l'opposé, à père absent, des fils qui, fantômatiquement, "produisent" des pères de substitution. En effet, lorsque, par un processus de démocratisation, père et fils se sont rapprochés, se sont égalisés, dans ce vide laissé par le père, les fils "procréent", projettent leurs propres pères. Pères d'élection évidemment.

    Ces deux espaces paradigmatiques extrêmes de la démocratie (père omniprésent/père absent) en renferment un troisième, central, où un "fils", médiateur entre le père et les fils, assure la relève démocratique des fils à côté du père. Le Christ et Prométhée en sont les exemples les plus éclatants. Le premier, homme-Dieu, assis à la droite du Père (et non " à la place du père", comme l'affirme Freud)6 répand généreusement parmi toute l'humanité la grâce que, jusque-là, un seul peuple, à l'image du Dieu Jahvé, accaparait monopolistiquement. Grâce à l'intervention de Jésus, "la religion des fils peut prendre la relève de la religion du père".7




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Synthèses

L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]


Appartenance

Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité. 

Univers

À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?

Vie

«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien

Mort

«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)

Dieu

«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.

Homme

L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.

Plantes et animaux

La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.

Amour

Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant  les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.

Vérité

Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause. 



Liberté

En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.

Bien

Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.

Beauté

« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche

Société

«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque

Désengagement

Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique. 

Politique

D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.

Justice - droit et droits

C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Nourriture et culture

Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.

Éducation

La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.



Caractère et personne

La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Sport

Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.

Art

«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec

Science

Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de  l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?

Philosophie

L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle. 

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Christianisme

Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus  admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.

Notre catholicisme

Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]

Québec

Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.