L'Agorales synthèses

L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde


Ordinateur

Genèse de l'ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde.
L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme, un homme dont l'âme et le corps, auraient été remplacés par le hardware et le software:  y règne l'esprit pur, coupé de l'âme, de l'affectivité, du sensible, puis jumelé à une matière n'ayant rien de vivant ni de charnel: des fils et des circuits.

D'où sa puissance et la fascination qu'il exerce: pendant trois siècles, quelques-uns des plus grands esprits d'Occident se sont employés à fabriquer séparément son software et son hardware. Au XXe siècle, on les a arrimés l'un à l'autre. Le voilà sous nos yeux ce double, le voilà même lié, mieux que les hommes ne le sont entre eux, à tous ses homologues de la Planète, créant ainsi une communauté de machines parfaitement compatibles entre elles. Par l'ordinateur s'accomplit une étape importante d'un projet inquiétant de la modernité occidentale: l'homme-machine

L'ordinateur et le système binaire

L''endroit et l'envers du médaillon offert au Duc de Brunswick
Comment une découverte d'abord perçue comme preuve de l'existence de Dieu est devenue le langage des ordinateurs aussi bien que le support des images, des sons et des textes..
Tout  a commencé en métaphysique. Quand il a créé le monde, Dieu, nous dit Leibniz, ne pouvait penser qu'en binaire. La série des nombres binaires, qui s'engendrent eux-mêmes selon des lois simples, à partir de bases encore plus simples, l'unité et le zéro, (Dieu et le néant) est en effet empreinte d'un tel ordre, d'une telle harmonie qu'il a paru tout naturel à Leibniz de l'assimiler à l'acte créateur. C'est pourquoi il proposa au Duc de Brunswick, son protecteur, de faire frapper un médaillon pour rehausser son prestige en soulignant cette découverte.

Histoire de l'ordinateur et d'Internet

De la boussole au transistor...
L'un des grands moments de l'histoire, ou si l'on préfère de la préhistoire des ordinateurs, fut celui où le professeur danois Hans Christian Oersted (1777-1851) a découvert que l'aiguille d'une boussole est sensible au courant qui circule dans un fil. Oersted faisait une expérience sur l'action calorifique du courant sur un fil. Or une boussole se trouvait tout bonnement sur sa table de travail. Et selon qu'il faisait transiter le courant dans un sens ou dans l'autre, l'aiguille de la boussole s'orientait elle aussi dans le sens correspondant. Oersted venait de découvrir le champ électromagnétique. François Arago (1786-1853), un peu plus tard, découvrira que l'on peut aimanter une tige de fer de façon permanente, dans un sens ou dans l'autre également. Mettez plusieurs de ces tiges en série, et vous avez une mémoire. Faites passer cette série devant un galvanomètre, et vous pouvez lire un message.
 

De la pascaline au robot

«La science des choses extérieures ne me consolera pas de l'ignorance de la morale, au temps d'affliction; mais la science des moeurs me consolera toujours de l'ignorance des sciences extérieures» (Pensées).

Siècle étonnant où un être habité par de telles pensées inventait la machine arithmétique, après avoir, à seize ans, écrit un remarquable essai sur les coniques, et s'être imposé ensuite comme physicien par ses expériences sur le vide. Ce savant, qui devint un mystique, s'adonna aux jeux de hasard pendant quelques années, ce qui le conduisit tout droit à inventer, avec Fermat, le calcul des probabilités, puis à acquérir, dans le feu de la vie, cet esprit de finesse, qui, complétant son esprit de géométrie fit de lui l'un des plus grands écrivains français. «Le coeur, écrit-il dans Les Pensées, a ses raisons que la raison ne connaît pas»
 

Les événements décisifs

L'ordinateur est un automate de Vaucanson habité par la logique de Boole. Pour rendre cette image plus adéquate, plus conforme à l'état des connaissances à la fin du XIXe siècle, il faut bien sûr éliminer, à l'intérieur de l'automate, les leviers, poulies, roues à engrenages et autres mécanismes et les remplacer par des circuits électriques.
L'événement le plus déterminant dans l'histoire de l'ordinateur sera la rencontre des séries indépendantes d'événements ayant conduit d'une part à l'automate électrifié et d'autre part à la logique de Boole et à ses prolongements.

Climat: montée du formalisme, règne de la quantité

L’ordinateur : «Le parfait formaliste.»
C’est une conception grossière de la matière qui nous incite à penser que notre époque est matérialiste. Elle est plutôt caractérisée par la quantité, l’abstraction et d’une manière plus générale, par cette «pensée par signes purs» que Ludwig Klages appelle formalisme. Dès le début du XXe siècle, ce philosophe allemand, qui fut l’un des fondateurs de l’écologie profonde, prédisait l’invention d’une machine à tout faire qu’il appelait «le parfait formaliste», expression convenant parfaitement à l’ordinateur.

"Parmi les traits caractéristiques de la mentalité moderne, nous prendrons ici tout d’abord, comme point central de notre étude, la tendance à tout réduire au seul point de vue quantitatif, tendance si marquée dans les conceptions «scientifiques» de ces derniers siècles, et qui d’ailleurs se remarque presque aussi nettement dans d’autres domaines, notamment dans celui de l’organisation sociale, si bien que, sauf une restriction dont la nature et la nécessité apparaîtront par la suite, on pourrait presque définir notre époque comme étant essentiellement et avant tout le «règne de la quantité»."
RENÉ GUÉNON, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, Gallimard [1945]

La montée du formalisme

« Le formalisme, selon Klages, est la pensée par signes purs.» Les programmes d'ordinateur en sont de beaux exemples. Il s'agit d'une pensée telle que la soumission à la règle, à la convention, y est plus importante que la pensée par référence au réel. Et Littré n’est peut-être pas aussi éloigné qu’il semble de la vérité lorsque, ignorant le sens actuel du mot formalisme, il le rattache aux formalités et le décrit comme suit : « Attachement excessif aux formalités […]. Réglementation excessive des actes de la vie. Goût des formes, de l’étiquette. »
« Le but de la pensée formaliste, poursuit Klages, c’est : des résultats de la pensée atteints sans l’effort de la pensée, des réponses trouvées sans l’intermédiaire de la recherche, la domination de l’Esprit établie sans le moyen et l’instrument de la conscience, qui dépend toujours pour une part de la Vie. Sans doute, le parfait formaliste serait un appareil de précision sans conscience, capable d’une variété de réactions inquiétante et qu’on pourrait alors composer, soit dans un atelier de construction, soit dans un alambic, comme un homonculus.»1

C'est ainsi qu'au début du XXe siècle Klages avait prévu l'invention de l'ordinateur. Dans l’informatique en effet, et plus précisément dans l’informatique appliquée aux communications, les formalités sont omniprésentes. Le vocabulaire lui-même témoigne de ce fait. Il gravite autour de mots comme programmes, protocoles, routines, commandes, langages (conventionnels par définition), séquences. Dans les règles à suivre pour communiquer avec quelqu’un, si vous négligez le détail le plus insignifiant, vous vous condamnez à l’échec.

 

 

Matière et abstraction

«Notre époque, contrairement à ce que l'on entend dire souvent, n'est pas une époque matérialiste. C'est bien plutôt le contraire qui est vrai. Ce qui se produit de nos jours, c'est comme un étiolement de la matière, dont l'opacité lourde et la présence cèdent le pas devant son élucidation par le faisceau des paramètres qui, pour être numériques, n'en sont pas moins des représentations. Le tissu matériel des choses est le responsable de la richesse des expériences sensibles, car il est le support des différences qualitatives; ce sont précisément ces différences qui s'estompent dans le règne du quantitatif, où la matière est considérée uniquement comme matière première, c'est-à-dire comme ployable en tous sens et comme devant se prêter docilement - incolore et inodore - à tous les caprices de la transformation. Point de départ neutre et indifférent, elle est bien véritablement tenue pour une matière plastique. La vraie matière, dont les chatoiements nous enchantent, dont la main palpe l'épaisseur, dont le nez hume l'odeur, celle-là devient, comme l'ont montré les livres de Bachelard sur l'imagination des éléments, seulement pour nous objet de rêveries. Elle n'est plus le coeur de l'expérience; nous ignorons la magie de la corporéité telle que l'éprouvait un Grec antique, vivant au milieu d'une lumière fluide, devant la chair bleue de la mer avec, dans l'oreille, le son pâteux de l'aulos. Dans le frémissement des branches d'arbres, on sentait le passage du dieu.»

 

Le nombre et nous

Précaution : Notre but dans ce dossier n’est pas de contribuer au progrès de la science des nombres, ce dont nous serions bien incapables, mais d’inviter les gens à s'approprier, comme sujet de réflexion, un phénomène, le règne du nombre et de la quantité, qui est au coeur de leur vie quotidienne en plus d’être, depuis quatre siècles, le moteur du développement.

[…]

On s’inquiète de la prolifération des armes de destruction massive. N’est-ce pas plutôt de la maîtrise du nombre qu’il conviendrait de s’inquiéter, de cette mathématique emballée qui a rendu possible les inventions les plus nuisibles en même temps que les plus utiles. Maîtrise avons-nous dit ! L’heure n’est-elle pas venue de se demander lequel, du nombre ou de l’homme, maîtrise l’autre?

Nous confondons l’accomplissement et la durée, la Vie et l’espérance de vie, la croissance vers le Bien avec la croissance dans les biens. Nous cherchons l’infini qualitatif sur le plan de l’infini quantitatif. Nous sommes à ce point prisonniers de cette façon de voir et de faire que nous irons à l’abîme plutôt que d’imposer une limite à nos désirs.

Hugo encore:

«La loi vient sans l'esprit, le fait surgit sans l'âme;
Quand l'infini paraît, Dieu s'est évnanoui.

O science! Absolu qui proscrit l'inouï!
L'exact pris pour le vrai! la plus grande méprise.(...)

À quoi bon de calculs ronger l'immensité,
Et creuser l'impossible, et faire, ô songeurs sombres,
Ramper sur l'infini la vermine des nombres.»

 

Aux ordres de l'ordinateur ?

Au commencement était le danger. Joseph Weizenbaum est ce brillant informaticien du M.I.T qui, au cours de la décennie 1960, a écrit le programme Elisa, l'ancêtre du Chatgbt, le premier logiciel interactif, qui mimait un dialogue entre un psychologue et un patient. Weizenbaum observa d’abord, avec étonnement, les réactions de sa secrétaire, qui fut à ce point fascinée par la machine et ses questions qu’elle reporta une partie de son attention et de son affection de son patron vers l’ordinateur. La consternation se substitua chez lui quelques années plus tard à l’étonnement, lorsqu’à l’ouverture de leur congrès à New-York, le président de l’Association des psychiatres américains annonça que désormais, grâce à des programmes comme Elisa, les entrevues de première ligne dans les hôpitaux psychiatriques pourraient être faites par des machines; ce qui en réduirait considérablement le coût. Il s’ensuivit pour Weizenbaum un violent choc moral qui l’incita à quitter le M.I.T pour aller étudier la philosophie à l’Université de Stanford.

Où va, se demanda Weizenbaum, une humanité qui, à la première occasion qui lui est offerte, se réjouit de pouvoir substituer une machine à un intermédiaire humain ? Aujourd’hui tout le monde trouve normal de s’adresser d’abord à un ordinateur, via un formulaire à remplir, en entrant dans le bureau d’un conseiller en orientation. C’est ce que j’appelle la révolution du direct.

Après l'homme, le cyborg et le transhumanisme ?

Après l'homme, le cyborg? Livre de Jacques Dufresne paru en 1999. C'est sinon le premier livre, du moins l'un des premiers livres en français traitant, sans utiliser le mot, qui n'était pas d'usage courant à l'époque, d'une question qui est le sujet de l'heure en ce début du XXIème siècle: le transhumanisme. Voici le livre en version intégrale, format PDF.

Comment en sommes-nous venus à nous laisser emprisonner dans cette toile d'araignée, dans ce Web des médias? Les médias, le mot le dit, sont des intermédiaires entre l’homme et le réel. On peut donc présumer qu’ils ont quelque rapport avec ce que, dans la tradition philosophique, on appelle la connaissance médiate, laquelle consiste à recourir à des intermédiaires, appelés représentations, pour atteindre le réel. Ces représentations sont le souvenir, l’image et le concept, avec toutes les formes qui y sont liées : jugement, raisonnement et principes.

Dans la même tradition, on admet aussi l’existence d’une connaissance immédiate, c’est-à-dire sans intermédiaire; elle se confond avec l’attention, elle est intuition du présent. L’être s’y livre tel qu’il est. Cette connaissance immédiate peut être de divers ordres : sensible, intellectuelle, psychologique, métaphysique ou même mystique. Toutes ces formes de connaissance immédiate ont été mises en doute au cours des derniers siècles, à l’exception de la sensation.

(…)

Il apparaît ainsi que le passage de la connaissance médiate à la connaissance immédiate est le sens même de la vie. Encore faut-il cependant que l’on reconnaisse la possibilité de la connaissance immédiate d’autrui, du monde et de Dieu. C’est sur cette question que s’est joué le destin de l’Occident au cours du millénaire qui s’achève. Le fait que, de nos jours, tout est média autour de nous et en nous est indissociable du fait que la connaissance immédiate, à l’exception de la sensation, a perdu progressivement sa légitimité à partir du XIIIe siècle. L’homme traditionnel, tel que le décrit par exemple Gilbert Durand, est capable d’une connaissance immédiate d’autrui, du monde et de Dieu.

 

L'enfant et les algorithmes

Plutôt que d’inculquer le mensonge de l’intelligence artificielle aux enfants en les surexposant aux sortilèges des algorithmes, il faudrait leur permettre de découvrir l’aspect véritablement merveilleux de leurs machines en même temps que leur aspect stupide. La merveille c’est par exemple, le fait que le système binaire, présenté par Leibniz comme une imago creationis, combiné avec la logique de Boole et les circuits électriques, a permis de faire des opérations de tri et de calcul à une vitesse proche de celle de la lumière.[4]

Pour mettre en relief l’aspect stupide, je n’hésiterais pas à inscrire la machine théorique du Turing au programme des écoles. Par machine théorique, il faut entendre ici une opération simple, par exemple l’addition de 2 + 3, mais exécutée sur papier à la vitesse du cerveau humain et de la main. Le principal défi à relever consiste à utiliser les mêmes chiffres binaires, 0 et 1, pour entrer tantôt des données, tantôt des instructions. On se rend vite compte alors qu’il s’agit d’une série d’actes stupides, répétitifs, fastidieux que la vitesse d’exécution fera paraître intelligents. A-t-on établi la preuve que la reconnaissance faciale est une opération essentiellement différente? Stupidité constante, mathématiques de plus en plus sophistiquées, vitesse croissante, telle est la formule de l’artificialité réputée intelligente?

Contre les sophismes chiffrés

Contre les sophismes chiffrés, une logique pour notre temps. Voici le résumé d'un cours de logique donné à des étudiants plus familiers avec les sophismes chiffrés qu'avec les sophismes verbaux. Nous partîmes ensemble à la recherche des diverses manières d'induire les gens en erreur au moyen des chiffres. Voici ce que nous avons découvert.

[…]

Derrière le nombre, il y a la force, de moins en moins déguisée. Se laisser influencer par le nombre dans ses jugements c’est se soumettre à la force. Ouvrez votre journal. Vous y trouverez cette servilité d’esprit même dans les éditoriaux. La plupart des arguments utilisés, bien que formulés au moyen de mots, se réduisent à un appel plus ou moins direct à l’autorité du nombre, que ce nombre soit une date, une majorité dans un sondage, une cote d’écoute ou une cote en bourse.

Après avoir bien réfléchi à ces questions, j’ai remplacé mon cours traditionnel de logique par un cours intitulé Lecture et interprétation des nombres, en priant mes étudiants de bien vouloir m’aider à établir le diagnostic à partir duquel nous jetterions les bases d’une logique appropriée à cette rhétorique chiffrée. J’avais réussi à les persuader que si Socrate revenait, ce serait assurément le dialogue qu’il aurait avec eux. J’étais Socrate, ils étaient mes disciples et nous nous attaquions ensemble aux mensonges des sophistes contemporains.

Je fus bientôt inondé de coupures de journaux, de montages de texte et d’images et de citations dont voici un exemple : «la nuit américaine sera bientôt traversée par la sonorité métallique, exacte et rassurante de millions d'érotomètres annonçant à l'unisson que la courbe locale vient de coïncider avec la courbe étalon.» C'était l'époque où les travaux des sexologues Masters and Johnson retenaient l'attention d'un large public. Un jour prochain l'orgasme, dont ils avaient établi la courbe, deviendrait une vérité scientifique.

 

L'intelligence artificielle, la suprême méprise

La première fois que j’ai entendu le mot intelligent appiqué à un ordinateur, un téléphone en l’occurrence, je suis entré dans une colère qui se renouvelle  à petite dose chaque fois que je suis témoin du même transfert d’épithète, du même sophisme pathétique. Ce sont là deux expressions que, dans Aping mankind, utilise Raymond Tallis, un spécialiste anglais des neurosciences

 Les mots transfuges qui nous intéressent ici sont ceux qui passent du camp de la vie au camp de la machine et inversement. Le verbe fonctionner ne s'appliquait jadis qu'aux machines; désormais les êtres humains fonctionnent plus ou moins bien; inversement les nouveaux compteurs d'électricité sont qualifiés d'intelligents, preuve que pour être digne de ce qualificatif il suffit pour un quelconque appareil d'être équipé de quelques puces

Même s'ils vont en sens contraire l'un de l'autre, les mots transfuges concourent au même effet : rapprocher le mécanique du vivant, tantôt en accroissant la part du mécanique dans le vivant, c'est la fonction que remplit le verbe fonctionner appliqué aux humains, tantôt en prêtant à la machine, l'ordinateur par exemple, des qualités de l'humain et donc du vivant, comme l'intelligence.

L’attribution irréfléchie de la conscience et de l’intelligence aux ordinateurs est l’ultime exemple d’une vision du monde déformée. De même qu’on peut voir dans la surenchère affective, fréquente chez les romantiques, un phénomène compensatoire frôlant l’hystérie (on embellit ce qu’on ne peut plus vivre authentiquement), de même on peut voir dans les qualités de la vie prêtées aux machines complexes le signe d’un besoin de compensation indiquant une perte inquiétante de vitalité : puisque nous en sommes réduits à fonctionner plutôt que de vivre, empressons-nous de doter les machines des qualités de la vie qui nous quitte.

La révolution du direct

La révolution du direct. l'informatique comme méta profession. Conférence prononcée par l'auteur à l'occasion de la Journée de l'informatique du Québec, le 7 novembre 2007

 

Synthèses

L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]


Appartenance

Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité. 

Univers

À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?

Vie

«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien

Mort

«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)

Dieu

«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.

Homme

L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.

Plantes et animaux

La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.

Amour

Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant  les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.

Vérité

Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause. 



Liberté

En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.

Bien

Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.

Beauté

« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche

Société

«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque

Désengagement

Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique. 

Politique

D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.

Justice - droit et droits

C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Nourriture et culture

Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.

Éducation

La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.



Caractère et personne

La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Sport

Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.

Art

«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec

Science

Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de  l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?

Philosophie

L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle. 

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Christianisme

Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus  admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.

Notre catholicisme

Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]

Québec

Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.