L'Agorales synthèses

L'Encyclopédie de L'Agora : une vision organique du monde


Notre catholicisme

Ce catholicisme qui nous a faits

Crac ! Frédéric Back 1981
Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire, mais il se pourrait aussi qu’elle coïncide avec le début d’une renaissance, avec la fin de la haine de soi tapie derrière la réduction du passé à la grande noirceur. Après 1960, les catholiques québécois se sont mis eux-mêmes à l’index, ils ont rasé les murs à commencer par les intellectuels . En ce printemps 2023, le premier ministre François Legault a osé dire que les Québécois ont hérité de leur catholicisme une solidarité dont ils ont raison d’être fiers. Il en est résulté un débat public qui fut pour plusieurs intellectuels catholiques une occasion de rompre le mur du silence.

Le miracle de Radio VM

Après avoir  été chassée de tous les grands médias, la vie intellectuelle refleurit  sur une oasis irriguée par une Église désertée. On peut certes considérer Radio VM comme le chant du cygne d’une élite reconnaissante à l’endroit d’une institution qui, ils ont de bonnes raisons de le croire, les a plus formés que déformés. On peut aussi y voir un phœnix :  cet « oiseau légendaire, doué d'une grande longévité et caractérisé par son pouvoir de renaître après s'être consumé dans les flammes. »

Quoiqu’il en soit de cet aspect institutionnel et religieux de la question, Radio VM est une admirable réussite, un exemple de générosité et de solidarité et, dans nos médias, l’unique colline où l’on ose encore penser que pour relever le niveau culturel d’un peuple, il faut parfois faire descendre vers lui des œuvres qui le dépassent, plutôt que de tenter en permanence de le séduire en s’ajustant à des attentes médiocres qu’on renforce en les satisfaisant.

La genèse de la société québécoise et ses suites. Rencontre avec Fernand Dumont


S.S. Comment interprétez-vous ce refus du passé qu'on voit apparaître avec les années soixante?

F.D. Je pense que ce refus un peu caricatural de certains aspects de notre passé s'explique par le fait que, lorsque la société québécoise a voulu changer, elle devait évidemment refaire sa mémoire. Et la première étape du remaniement de la mémoire collective, c'est, pour ainsi dire, une psychanalyse sauvage. Et c'est inévitable quand une société a vécu pendant une très longue période d'une mémoire de plus en plus idéalisée. Rappelez-vous comment, dans le Québec d'avant 1960, on fabriquait facilement des héros. Dollard des Ormeaux bien sûr, mais aussi George-Étienne Cartier, Louis-Hippolyte LaFontaine et d'autres. Lorsqu'on a voulu prendre une autre direction historique, on a procédé, dans un premier temps, (et on en est toujours un peu là), à la destruction de cette mémoire idéalisée qui nous servait de caution, de légitimation, de défense. Les individus agissent de manière semblable quand ils ont vécu pendant trop longtemps d'une idéalisation d'eux-mêmes. Nous ne sommes pas encore arrivés, collectivement, à une mémoire proche du réel, à la mémoire d'une société normale. On ne devrait pas être obligé d'idéaliser le passé (ou, au contraire, de le noircir à outrance) pour s'y reconnaître. On peut penser que c'est une phase qui ne durera pas. Si elle dure, je suis pessimiste quant à l'avenir de notre société.

Insoumission sociologique. Entretien avec Hubert Guindon

À une époque où le confort et le conformisme règnent plus souvent qu'autrement sur les milieux intellectuels, un sociologue comme Hubert Guindon fait certes figure de trouble-fête au sein de la cité de l'esprit. Francophone ayant fait carrière pendant plusieurs années au sein d'une université anglophone montréalaise et dont la notoriété est plus grande au Canada anglais, à qui il a fait connaître des vues subtiles sur les changements sociaux s'opérant à partir de l'époque de la Révolution tranquille, qu'au Québec même.

(...)
Les premiers articles de Guindon jalonnent le déroulement de la Révolution tranquille. On les retrouve dans son ouvrage Tradition, Modernité et Aspiration nationale de la société québécoise. Dans un autre livre qu'il prépare, il se penchera sur «les perversions de la Révolution tranquille». Il y pose notamment la question de la sécularisation. «Il y a eu une violence dans la rupture, une soudaineté, un radicalisme qui n'ont pas apporté et qui n'apportent rien de vraiment utile et de bienfaisant. Et de cela, je pense que les intellectuels sont en grande partie responsables. La population les a suivis en moutons, comme elle avait suivi les évêques auparavant. Chez les anglophones, on n'a pas observé une rupture aussi totale et complète avec la religion, avec l'Église.»

(...)

«Même si j'avais pris mes distances d'avec la religion, je ne lui avais jamais été hostile. C'est une chose qui me sépare de bon nombre d'intellectuels de ma génération. J'ai aujourd'hui la foi. En fait, je me suis rendu compte que je ne l'avais pas perdue. Je l'avais enterrée "comme il faut" pour faire un ouvrier de la onzième heure. Enterrée, mais moins profondément que je ne le pensais. J'ai toujours été très ouvert, très disponible. J'ai le pardon facile, sauf peut-être le pardon historique.»
 

La crise spirituelle du Québec

Indétermination de nos hommes politiques et profonde aliénation nationale, c'est l'analyse que Paul-Émile Roy fait de l'échec de la Révolution tranquille. « Le colonisé intériorise le regard que porte sur lui le conquérant, le dominateur, et se déprécie à ses propres yeux. » Surgirent alors ceux qu'il appelle « les prophètes de la démission... [...]qui ont occupé les médias et l'enseignement secondaire et collégial pendant des décennies avec le résultat que les Québécois sont confondus, désarmés, perplexes, ayant perdu confiance en eux-mêmes [...] » Ces prophètes instituèrent « le procès du Québec traditionnel, de l'Église, du catholicisme. On entendit Michel Tremblay proclamer que le catholicisme était responsable de toutes nos misères au Québec, Jacques Godbout déclarer que les évêques avaient ''décervelé'' les Québécois, [...]. ». [6]

D'autres intellectuels, les Gérard Pelletier, Pierre Elliot Trudeau, etc. prirent la défense du catholicisme dans la foulée du personnalisme français. « Ce que je reprocherais à ce qu'on appelle le personnalisme québécois, poursuit l'auteur, c'est de n'avoir pas compris que le destin spirituel du Québec était et est encore indissociable de son affirmation nationale. » [7]

Vadeboncoeut et les deux royaumes

Le jeune Vadeboncoeur a entretenu de grands espoirs en la modernité. Il croyait, dans sa jeunesse, que la révolution était en marche et que la démocratie produirait un type d’homme libre, autonome, ouvert à la culture. Il dut déchanter assez rapidement, et c’est cette déception qu’il décrivit dans son livre Les deux royaumes qui déçut certains de ses lecteurs qui n’avaient pas compris l’orientation de sa méditation. Dans ce livre, en effet, publié en 1978, il décrit le malaise qu’il ressent face à la modernité. Être moderne, croit-il, c’est vivre dans une actualité folle, privée de mémoire, sans attache à ce qui se passait hier. C’est vivre dans l’instant, dans un instant sans cesse happé par le futur, façonné par lui. «C’est n’être rien» puisque tout ce que le processus historique a fait de nous ne compte plus. Dans ce capharnaüm qu’est la modernité, l’âme est bafouée, niée, reléguée aux oubliettes. Elle n’a plus droit de cité. Les contemporains sont des «taupes». Il n’existe plus d’espace spirituel, le mystère est aboli, l’ineffable est touché, «frappé d’excommunication». On ne peut plus parler de hauteur, d’altitude. «Le sacré qu’on porte en soi» est bafoué, l’âme est «livrée à plus bas qu’elle».

Mario Pelletier ou la transition lucide et néanmoins heureuse entre les deux Québec

Mario Pelletier
Les jeunes d'aujourd'hui que le Web met en contact immédiat avec tous les pays du monde, ou presque, ne peuvent guère concevoir ce qu'était la vie quotidienne dans un petit village du Bas Saint-Laurent dans les années quarante - la décennie de ma naissance. Quand il n'y avait encore ni eau courante ni électricité et qu'on s'éclairait à la lampe à l'huile comme au XIXe siècle, voire à la chandelle comme au Moyen Âge.

Entre l'environnement de mon enfance et celui d'aujourd'hui, il y a sans doute plus de distance à tous égards qu'entre les mille ans qui séparent Charlemagne de Napoléon. Je pourrais dire, comme Baudelaire : «J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.»

L'arrivée de la télévision

La télévision est arrivée à Squatec en novembre 1954, au moment où le poste de Rimouski entrait en ondes. Mes parents adoptifs ont été parmi les premiers du village à posséder la  «boîte» magique, le petit écran qui permettait de voir loin. Je n'oublierai jamais le premier jour d'émissions, un dimanche. Une centaine de personnes avaient envahi la maison; des dizaines d'autres essayaient de voir par les fenêtres qui donnaient sur le salon où trônait, lumineux, étincelant, rempli d'éclairs, le nouveau dieu du jour. Pendant au moins une demi-heure, cette foule bon enfant, avide de modernité, contempla la tête d'Indien qui apparaissait fixement à l'écran, beau symbole de la longue suite de siècles sans mémoire ni représentation vécus par les premiers habitants du pays. Puis des oh! et des ah! accueillirent les premières images mouvantes venues de Montréal et d'ailleurs : pensez donc, ces visages, ces voix, ces gestes, qui étaient transportés en un rien de temps sur des centaines et des milliers de kilomètres, par delà les montagnes, les fleuves et les forêts, jusqu'à eux, jusqu'à leur patelin perdu dans l'arrière-pays du Bas-Saint-Laurent !

La popularité de la télévision ne se démentirait jamais par la suite, surtout dans une population dont la culture était orale en majeure partie. À l'heure où le Survenant, maman Plouffe ou Séraphin Poudrier paraissaient à l'écran, il n'y avait plus âme qui vive dans les rues du village -- c'était encore plus désert, dirais-je, qu'à l'heure de la grand-messe du dimanche. Une nouvelle chaire était née, une nouvelle pratique, et de grands changements dans les mœurs allaient en découler. Le premier d'importance fut le déclin des soirées familiales. Désormais, on n'avait plus besoin d'être en groupe pour se divertir.

Autre facteur d'évolution sans doute encore plus lourd de conséquences : aux baby-boomers comme moi, si reculés qu'ils fussent dans l'arrière-pays, la télévision apportait l'univers à domicile. Elle allait ainsi contribuer à nous faire radicalement différents de nos parents et grands-parents. Grandissant sous l'œil clignotant de la télé (qui supplantait de plus en plus l'œil immobile de Dieu), très tôt, tout naturellement, nous avons pris l'habitude de vivre au rythme de la planète. Il n'y avait plus de différences fondamentales entre nous et nos contemporains américains, français et autres : les années 60 allaient le montrer

Le vrai Jean Le Moyne

« Luxe de sainteté ». Dans son article sur Marie de l’Incarnation ( Argument, printemps 2021), Carl Bergeron fait sien ce jugement de Jean Le Moyne sur les origines du Canada français. Jean Le Moyne est l’auteur injustement méconnu de Convergences, un  livre marquant paru en 1961 et réédité en 1993. À cette occasion, Mario Pelletier  a rendu justice au livre et à l’auteur par un article dans Les écrits du Canada français sous le titre Convergences 30 ans après. C’est cet article que nous reproduisons ici sous un autre titre.

(...)

En 1961, le livre paru chez HMH tombait en pleine atmosphère de libération au Québec, au milieu d'une sorte d'ivresse générale. On se saoulait au gros rouge de la Révolution tranquille, qui jaillissait d'abondance dans tous les coins et recoins d'une société en dégel accéléré. Il n'y avait pas assez de ministres, sous-ministres et sous-n'importe-quoi à Québec pour tourner les pages de l'avenir radieux qui s'annonçait. Des deux côtés du fleuve géant, ça pétait de paroles dégelées comme celles que Pantagruel avait ouïes et recueillies aux confins de la mer de Glace. Dans ce contexte, les essais de Jean Le Moyne passèrent pour de telles « paroles dégelées » : on applaudit de les voir, de les entendre éclater dans l'air du temps, et on s'empressa de penser, de laisser entendre, de dire que Le Moyne voyait juste, mais qu'il parlait le langage d'une époque à jamais révolue. Le verbe implacable de l'essayiste fut loué en ce qu'il achevait de clouer le cercueil de Duplessis (symbole ultime de notre grande noirceur) et le bec de toute une armée de prédicateurs de l'enfer ! Pour le reste, qui était l'essentiel, on était passé complètement à côté. 

 

 

Artisans de la réconciliation entre les deux Québec

Une voie à suivre, indiquée par l'historienne Lucia Ferretti,dans Brève histoire du Catholicisme québécois, Boréal, Montréal 1999.

«Depuis quelques décennies, l’historiographie de l’Église catholique au Québec s’est profondément renouvelée dans ses thèmes comme dans ses interprétations. On a commencé à considérer la foi et la religion d’un autre oeil, émancipé des lectures orthodoxes, celles proposées par l’Église québécoise elle-même et celles construites à partir des années 1950 par des laïcs anticléricaux. L’institution, pour sa part, est désormais plus systématiquement analysée en référence aux divers contextes historiques dans lesquels elle s’est inscrite. Il résulte de tout cela une réévaluation de la contribution de l’Église à la culture et à la société québécoises, une réévaluation, aussi, de l’influence des anciens sur la conformation et l’évolution de l’Église d’ici. Cet ouvrage fait le point sur l’histoire de l’Église québécoise telle que reconstruite aujourd’hui par les historiens.»

Marc Chevrier: Le christianisme et son double, Les droits de l'homme

En prolongeant la réflexion de Manent, on pourrait dire que la doctrine des droits de l’Homme à la base de l’État moderne et libéral est devenue en quelque sorte le double du christianisme, qui prétend avoir réalisé son utopie originelle et sa quête de salut par une forme d’évangélisme sans Christ incarné et sans transcendance, et qui proclame l’évidence, reçue comme une nouvelle loi naturelle cosmique, de l’égale dignité et liberté de chaque être humain. À la faveur de la protection d’un État universel, la multiplicité humaine, variée et singulière, trouve en lui reconnaissance et réconciliation, comme au sein d’une grande harmonie pacifique et totalisante. Et au nom d’idées chrétiennes dérivées, – l’agapè devenu l’ouverture à l’Autre par exemple – ce double du christianisme prétend le talonner, le chapitrer, le condamner, avec parfois une hargne virulente contre tout ce qui manifeste l’appel de la verticalité dans les affaires humaines et souvent l’absolue certitude de communiquer sans médiation aucune avec le Bien. En somme, une forme de dilection naturaliste allergique à tout principe de direction divin, et même, comme le remarque Manent subtilement, à toute alliance avec lui, le Royaume étant prétendument descendu sur terre pour des « parfaits » qui croient pouvoir se reposer uniquement sur des providences artificielles.
 

Yan Barcelo ou la liberté malade du droit

Je ne condamne en aucune façon la légitimité des chartes de droits et libertés. Au contraire, je salue tout particulièrement ce fruit de notre héritage occidental, le seul qui se soit occupé de définir, tout d’abord l’individualité des personnes, ensuite l’aire essentielle de leurs droits et libertés. C’est l’excès dans le recours à ces chartes que je condamne : elles donnent lieu à un discours devenu hystérique et débridé dont la prévalence est en voie d’étouffer la zone plus fondamentale des devoirs et responsabilités.
 
Il devient de plus en plus évident que la liberté d’action et d’expression qu’on accorde à une multitude d’individus et de groupes devient un obstacle à l’exercice des responsabilités et devoirs par ceux qui les assument. Les premières victimes, à mon avis, sont les parents imbriqués dans une cellule familiale envahie par une horde d’influences et de sollicitations oeuvrant systématiquement à l’encontre de tout projet pédagogique : jeux vidéo, musique déjantée, Internet de la licence, amitiés factices de Facebook.

Or, quantité de jeux vidéos sont en fait des systèmes d’entraînement simulés au crime. Combien de parents sont aux prises avec le problème d’adolescents intoxiqués par ces instruments de mort et de laideur – et on laisse faire. Au lieu de frapper d’interdit les fabricants de ces jeux sordides, au lieu de les brimer dans leur « liberté d’action et d’expression », on préfère brimer les familles dans l’accomplissement de leurs devoirs et responsabilités.

La vraie liberté est celle que nous exerçons dans l’intimité de la conscience, celle où nous prenons une nécessaire distance et tempérons les revendications des pulsions et désirs, de façon à permettre chez nous-mêmes et chez autrui l’exercice du devoir et des responsabilités. La vraie liberté est celle qui dégage la clairière de la conscience morale de façon à permettre la prise en charge des devoirs et 

Bernard Émond et l'excès de liberté

Nous n'avons jamais été aussi libres. Jamais n'avons nous été aussi affranchis du poids de l'histoire et de la culture, des liens sociaux et familiaux, des empêchements de la morale et de la responsabilité. Nous sommes libres comme l'air ; plus rien ne pèse sur nous. Nos révoltes sont sans objet, le seuil des transgressions recule sans cesse et il ne nous reste plus que des portes ouvertes à défoncer. Mais d'où nous vient alors le sentiment que plus rien n'est possible, que l'histoire poursuit son cours sans nous, et que nous courons à la catastrophe, spectateurs impuissants des désastres écologiques, économiques et politiques présents et à venir? D'où nous vient ce sentiment de vide?

Se pourrait-il qu'en ayant congédié tout ce qu'il y avait au-dessus de nous, valeurs, traditions, croyances, nous nous soyons livrés à la domination de ce qu'il y a au-dessous, et que nous soyons maintenant esclaves de désirs et d'intérêts que nous imaginons nôtres, mais qui sont en fait imposés à notre veulerie par l'irrésistible envoûtement de la culture de masse et de la société de consommation?

Nous sommes libres mais pour quoi faire? Nous bradons cette liberté, comme nous avons toujours tout bradé dans cette province : patrimoine, richesses naturelles, biens collectifs, avenir.
 

Jean Bédard ou la médiation des mystiques rhénans

Malgré les guerres et les conflits de toutes sortes qui assombrissent l’existence, le cardinal de Cues maintient que l’homme est voué à la joie parce que sa conscience n’est pas prisonnière de la contingence. L’univers est pénétré d’infini, il est tout entier dans chacune de ses parties, et quelque chose de l’être humain est du côté infini des choses. Dieu n’est pas un concept, une donnée arrêtée et possédée, il est toujours à chercher, et la grandeur de l’homme est dans cette démarche de sortie de lui-même. Pour le cardinal, «la béatitude c’est de tressaillir dans toute son intelligence du tressaillement créateur qui renouvelle le monde». Le sens de la vie, c’est moins la possession de la vérité que l’amour de la vérité. L’amour est présent dans les contradictions mêmes de l’existence, mais la vérité n’est là que dans son manque. Nous ne connaissons le fond de rien, ni du monde, ni de notre conscience. «L’homme n’aime que l’infini mais ne rencontre que le fini, aussi son âme est un hiatus, un écartèlement, une douleur, un abîme, une noirceur».

C’est la doctrine de la «docte ignorance». L’intellect ne peut se saisir lui-même. Nous n’avons la raison ultime de rien.

Serge Gagnon ou la réconciliation d’un homme et d’un pays avec eux-mêmes

L’intérêt du livre tient aussi au fait qu’en racontant l’histoire de sa vie intellectuelle, Gagnon joint l’universel au particulier. Il est en effet l’un des rares universitaires de sa génération qui est demeuré fidèle aux lumières qu’il avait aperçues dans la grande noirceur de sa jeunesse (il est né en 1938). En évoquant son destin clandestin, il met en lumière bien des aspects de la révolution tranquille auxquels on n’aurait jamais prêté attention autrement.

C’est, précise-t-il dans l’introduction, pour relever un défi que lui avait lancé l’historien Éric Bédard en 2003 qu’il a écrit son autobiographie : «Vos œuvres, écrivait Éric Bédard, nous permettent de mieux comprendre notre passé, mais elles sont aussi des témoignages... J'espère que vous expliquerez un jour ce qui vous a mené à écrire le livre Mourir ... En historien sérieux, vous pourriez facilement nous convaincre qu'il s'agit d'un nouvel intérêt pour « l'histoire des mentalités », mais je reste convaincu qu'il y a beaucoup plus que cela... Vous rompez avec le paradigme dominant d'une certaine époque, d'une génération... Pourquoi? Que s'est-il passé? Life begins at 40, avez-vous écrit quelque part... Peut-être... Mais avouez que c'est un raccourci ! La vie ne semble pas avoir commencé à 40 ans pour Gérard Bouchard, Paul-André Linteau, Brian Young ou René Hardy dont les travaux montrent une certaine continuité sur le plan paradigmatique... Pourquoi est-ce différent chez vous? Ces questions, je me les pose depuis longtemps... »(2)

(...)

Dans le même esprit, mais dans un tout autre domaine, celui de l’enseignement de la langue, Gagnon fait de nouveau preuve de la plus grande liberté d’esprit : «Quelques intellectuels dénoncent, à l'occasion, l'état lamentable du français québécois. Au temps des prêtres, des religieux et des religieuses, une faute de grammaire, comme une faute contre les normes sexuelles catholiques, engendrait presque naturellement honte et remords. Depuis que la honte est devenue un sentiment honteux, on peine à cultiver cette fierté à l'endroit d'un héritage.»(213)

«Le mariage de la religion et de la culture ne va pas revenir, ajoute Gagnon. Comment faire renaître la fierté à l'égard d'une langue vouée à l'indifférence, voire au mépris?» (213)

Jean-Philippe Trottier: debout contre la débâcle

S'il y a une phrase que l'on a retenue de saint Augustin, c'est bien : Ama Deum et fac quod vis, aime Dieu et fais ce que tu veux. On ne peut ramasser de façon plus succincte l'articulation du permanent (aime Dieu) et du transitoire (fais ce que tu veux) et il y a là sans doute une piste de réflexion à raviver lorsqu'il s'agit aujourd'hui pour ce même Occident, et pourquoi pas le Québec puisque nous y vivons, d'évoquer les questions des liens sociaux et de la tradition, c'est-à-dire le rapport dans l'espace et le rapport dans le temps mentionnés plus haut. Ces deux aspects, en apparence indépendants, vont de pair. Il n'est en effet pas étonnant de remarquer qu'une rupture avec le sens de notre passé, individuel ou commun, entraîne une redéfinition de nos relations sociales, avec les promesses et risques inhérents. Notre paternité en crise en témoigne déjà, criant de plus en plus fort son absence.
 

Ariane Collin: Un nouveau site sur l'histoire du christianisme social au Québec

Huit décembre 2020. Animé avec brio par Ariane Collin, coordonnatrice du projet et amie et collaboratrice de longue date de L’Agora, ce mini-colloque virtuel a fourni une occasion aux participants de revenir sur les luttes et les enjeux qui ont marqué cette histoire, notre histoire : le féminisme, l’environnement, la lutte ouvrière, la solidarité internationale, en compagnie de pionniers et d’artisans, André Beauchamp, Suzanne Loiselle, Michel Rioux et plusieurs autres.

En plus de proposer des dossiers très riches rédigés par l’historien Frédéric Barrault, le site est appelé à servir d’archives virtuelles du christianisme social québécois. On y trouve déjà l’ensemble des articles du webzine Sentiers de foi, diffusé de 2005 à 2016.

Quelques grands oubliés

Ils ont en commun d’avoir trouvé dans leur catholicisme non seulement l’inspiration qui  leur a permis d’exceller dans leur discipline, mais encore je ne sais quel sens  plus général de la perfection qu’ils ont appliqué à leur langue maternelle: comme si en faisant usage avec autrui, on s’adressait aussi à Dieu, à un Dieu que l’on juge digne des plus belles phrases comme des plus beaux temples et des plus beaux hymnes. Quel est le lien entre la langue et la religion passée et présente  d’un peuple ? Une chose est certaine le destin d’une langue est d’ordre métaphysique avant d’être d’ordre politique et une langue ailée et raffinée crée l’atmosphère dont les sentiments humains ont besoin pour s’épanouir. Dans La divine comédie, Dante fonde la langue italienne en s’adressant à Béatrice et à Dieu

 

Lionel Goulx sans préjugés

« Voilà pourquoi, depuis vingt ans, je m’efforce à faire comprendre aux Canadiens français que leur problème national, n’est pas seulement un problème de langue, mais un problème synthétique. Voilà pourquoi j’ai convié la jeunesse en particulier, à préparer coûte que coûte, la libération des siens [...] Car je suis de ceux qui, dans l’économique pas plus qu’en d’autres domaines, n’acceptent le jeu des puissances fatales. Je ne crois pas que ce qui est arrivé contre nous, cet économique à rebours qui nous a fait, à nous, Canadiens français, plus qu’à la plupart des groupes ethniques en ce pays, des chômeurs et de la misère, je ne crois pas que ce désordre a été le simple effet d’une sombre fatalité. Et je crois que les Canadiens français pourront ressaisir leur vie, toute leur vie, le jour où ils auront voulu s’y décider et s’y préparer, le jour où méthodiquement, patiemment avec une indomptable ténacité ils se seront mis à la tâche, capables enfin de s’enthousiasmer pour leur destin. Est-ce trop leur demander ? » (1938)

 

Jacques Genest, cet ami de Lionel Groulx qui institua la recherche médicale au Québec

Certes, Jacques Genest plaide la cause des chercheurs québécois au Conseil de recherches médicales du Canada, principal organisme de subventions dont il fait partie dès 1953 (jusqu'en 1976). Il fonde ainsi, en 1963, le Conseil de la recherche en santé du Québec (qui deviendra le Fonds de la recherche en santé du Québec en 1981). Le docteur Genest anime une vaste opération de rattrapage. Il élabore un concept original qui marie la recherche fondamentale et clinique, afin de hisser la recherche biomédicale vers les sommets. C'est précisément ce que parviennent à faire les équipes de l'IRCM. Celui-ci regroupe actuellement plus de 400 chercheurs fondamentalistes et cliniciens, étudiants et techniciens. Il constitue l'un des plus importants centres de recherche biomédicale au Québec et au Canada. Ses liens, d'une part avec l'Université de Montréal et l'Université McGill, d'autre part, avec l'Hôtel-Dieu de Montréal, expliquent son caractère de carrefour scientifique multidisciplinaire et de centre de santé.

On découvre le Jacques Genest penseur et écrivain dans ce plaidoyer en faveur de Lionel Groulx contre Gérard Bouchard. Un extrait: «Pour Groulx, la religion avait préséance sur toutes les autres activités humaines. Dans la zone floue qui sépare le spirituel du temporel (surtout sur le plan de la politique), Groulx se sentait sur un terrain miné, écartelé entre son rêve d'un peuple politiquement respecté, maître de ses richesses, et son allégeance romaine totale.»

 

Marie-Victorin

Le grand oeuvre de Marie-Victorin, la Flore Laurentienne, parue en 1935, fut une première en Amérique du Nord. Des témoignages éloquents d'appréciation parvinrent des principaux instituts botaniques du monde. Voici celui du directeur du jardin botanique de New York: «Aucune région des États-Unis ne possède, sur sa flore, un volume aussi complet et aussi pratique.» Il faut rappeler aussi que la botanique, telle que la pratiquait Marie-Victorin, ne se limitait pas à des inventaires, des descriptions et des classifications, mais constituait plutôt un effort immense et enthousiasmant pour mettre en rapport les plantes d'un continent entier, et pour les associer ensuite, dans une perspective évolutionniste, aux grands phénomènes géologiques, comme la glaciation. Ce Bouclier laurentien qu'il a si bien exploré, Marie-Victorin le dessine, le colore pour le déployer enfin sous nos yeux. En le voyant ainsi surgir, on croit vivre par anticipation le spectacle des premières images de la terre transmises par satellite.
 
«Les Laurentides sont un Éden, un Éden boréal et un peu sévère peut-être, mais où la vie déborde, riche, fraîche, vigoureuse. Arrêtons-nous ici un instant à imaginer la silencieuse remontée des unités militantes de la forêt canadienne vers le nord. C'est un grand tableau biologique déployé sur le mur des temps révolus. D'abord parurent, sombres et drus, ces rudes pionniers: l'Épinette noire et l'Épinette blanche, le Sapin baumier et le Mélèze, et plus tard, beaucoup plus tard, la majesté myriadaire des Pins. Puis, suivirent les Peupliers et les Bouleaux, les Aulnes et les Viornes, les Cornouillers et les Airelles. Et l'Érable à sucre prit possession des moraines bien draînées sur les flancs des collines; l'Érable rouge se fixa sur les alluvions fraîches des vallées, et l'Érable argenté se pencha sur la course des fleuves. Si bien qu'après des siècles et des siècles, la constitution définitive de la forêt dans ses différents climax fit de notre pays une grande masse de verdure continue. Et voici maintenant, sur les pas des grands arbres, les légions graciles des Graminées, la multitude des Carex, les robustes Eupatoires, les opulentes Verges d'or, et combien de centaines d'autres plantes, poussées en avant par l'esprit de conquête qui est l'âme de tout ce qui vit. Marie-Victorin ne parvient pas toujours à contenir son lyrisme, il ne le souhaite d'ailleurs pas. L'un de ses buts avoués en tant que botaniste n'était-il pas de favoriser le progrès littéraire? »

 

Alphonse Desjardins: par-delà la gauche et la droite, la coopération

Obstacle à droite, obstacle à gauche, les coopératives durent emprunter entre ces deux murs un passage étroit et difficile, ce qu'elles firent en s'appuyant sur les églises chrétiennes et en trouvant en elles leur inspiration. Ce lien entre le mouvement coopératif et les églises est particulièrement important dans le cas de ce qu'on pourrait appeler les sources québécoises, entendant par là le milieu européen avec lequel Alphonse Desjardins en particulier était en contact étroit. Il avait le choix entre plusieurs modèles de coopératives financières. Il choisit le modèle italien et l'adapta ensuite à la société québécoise. Celui qui a imaginé et implanté ce modèle, Luigi Luzzatti, fut un homme admirable. Après s'être éloigné de la religion juive ritualiste de son enfance, il se fit le défenseur des religions et de la tolérance à leur endroit. Loin d'être dictée par l'indifférence et la froideur à l'égard des religions, sa tolérance s'accompagnait d'un attachement croissant à certaines d'entre elles, ce qui l'amena à écrire de longues pages inspirées sur saint François et sur Bouddha. On serait proche de la vérité en comparant Luzzatti à Victor Hugo. «Seule la loi morale, écrivit-il, pourra restaurer l'équilibre brisé dans le système économique.» «C'est seulement du ciel que les déshérités recevront l'inexhaustible réconfort. En Allemagne, Raiffeisen et en France, Frédéric le Play, deux autres maîtres à penser de Desjardins, étaient de même inspiration. Sur le plan politique ces hommes furent plutôt de droite. Ils eurent la tête à droite et le cœur à gauche ce qui explique le succès de leurs œuvres.

 

Jean-Paul Desbiens ou la transition en éducation

La continuité dans la rupture est la marque de sa vie. C'est au nom de ce que le Québec traditionnel et sa religion avaient de meilleur qu'il les a critiqués. C'est par reconnaissance qu'il a été insolent. C'est par fidélité qu'il a été novateur. Pendant les années cruciales de la décennie 1960, ce frère mariste a été le maître d'oeuvre de la reforme de l'éducaion au secondaire puis au collégIal.

 

Gabrielle Roy ou le vent dans la chapelle

La fin d'une religion sociologique est symbolisée par ces écrivains à travers l'image des lieux du culte désaffectés ou écroulés. Dans Un jardin au bout du monde de Gabrielle Roy, une paysanne ukrainienne d'un village abandonné qui s'obstine à défendre, contre un environnement hostile, le jardin de fleurs qu'elle a fait surgir en plein désert se rend à la chapelle délabrée pour y porter une brassée de lys rouges. Sa visite fait suite à l'interrogation qui l'assaille sur le sens de sa propre existence. Dans la chapelle vide, elle entreprend de faire reluire le plancher:

"Pourquoi? Ce ne devait pas être en tout cas pour le Seigneur. A supposer qu'il fût vivant et présent, elle l'imaginait plus à l'aise dehors, sur les ailes du vent dans la fraîcheur de l'air, qu'en cette petite chapelle où, quoi qu'elle fît, il subsisterait une odeur de moisi. Ce n'était pas non plus pour l'avenir qu'elle nettoyait ce sol. Sans ses enfants, Volhyn n'avait plus que quelques années, peut-être seulement des mois à se survivre. Peut-être même Volhyn mourrait-il définitivement le jour où elle-même disparaîtrait... (4)"

La seule réponse que recevra Martha, c'est le vent qui s'engouffre dans la chapelle et qui ce jour-là la suit partout. À la veille de mourir, songeant à l'immortalité, c'est encore une fois le vent qui répondra à son appel:

"Martha croisa les mains, elle eut un soupir. A cette humble immortalité de l'air, du vent et des herbes, elle confia son âme (5)."

 

La liste de l'Agora

Dans les quarante ans de notre présence sur la place publique, nous n’avons jamais caché notre souci de la réconciliation des deux Québec, le moderne et celui des racines gréco-judéo-chrétiennes.
Il en est résulté une liste d’intellectuels ayant le même souci sans pour autant former un groupe homogène. Nous vous invitons à nous aider à la compléter.


Quelques liens récents :

Jean Grondin

Jean Grondin par Louis Cornellier

Yvon Rivard

L’oubli de soi, lettre à Gérard Bouchard

Jean-Pierre Proulx

Paroles d’un croyant

Christian Rioux

Christian Rioux : entretien (vidéo) avec Jérôme Blanchet-Gravel

 

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La liste

Une recherche suragora.qc.ca permettra de découvrir la plupart de ces auteurs; une recherche sur Google fera le reste

Ariane Collin Yvon Rivard, Jean Grondin, Mario Pellettier, Pauline Michel, Alex La Salle, Kevin Murray, James LangLois,  Réjean Bergeron, Charles Le Blanc, Philippe Lorange, Francis Denis, Jerôme Blanchet-Gravel,  Alexandre Poulin, Pierre Alexandre Fradet, Nicole Morgan, Élaine Caire, Chantal Doré, Michel Lamontagne, Simon Nadeau, Martin Lagacé, Martin Cloutier, Youri Pinard, Guy Laperrière, Christian Saint-Germain, Maxime Huot-Couture, Eric Bédard, Stéphane Stapinsky, Serge Gagnon, Carl Bergeron, Yan Barcelo, Marc Chevrier, Georges Rémy-Fortin,, Nicolas Bourdon, Raphaël Arteau McNeil, Gilles Bibeau, Hèlène Corrin, Jean-Philippe Trottier, Jean-Bédard, Jonathan Durand-Folco, Marie-Sophie Villeneuve, Louis Godbout, Jacques T.Godbout, Ricard Lussier, Denise Lemieux-Michaud, Nicole Jeté,  Mathieu Bock-Côté, Heinz Weinmann, Luc Bureau, Thomas de Koninck

Organismes

Éditeurs : Liber, Septentrion, Fides

Revues : Argument, Relations

Medias Radio VM, Radio-Galilée

Sites Web : Le Verbe, Présence info

 

Synthèses

L'Encyclopédie de l’Agora n’est pas une somme des connaissances établie par une myriade de spécialistes sans grandes affinités entre eux. Elle est une œuvre, celle d’un auteur principal entouré d’amis ayant des affinités intellectuelles avec lui et ébauchant séparément leur propre synthèse. [En savoir davantage]


Appartenance

Plus nous avançons sur le chemin de la paix intérieure et de l'intégrité, plus le sens de l'appartenance croît et s'approfondit. Ce n'est pas seulement l'appartenance [...] à une communauté qui est en cause, mais aussi l'appartenance à l'univers, à la terre, à l'eau, à tout ce qui vit, à toute l'humanité. 

Univers

À l’heure où les astrophysiciens décrivent la farandole des galaxies et la valse des étoiles, la conception dominante de l’univers se réduit au mot Big Bang, évoquant une explosion, comme celle d'Hiroshima. La tradition, et une certaine science depuis peu, nous invitent à lui préférer, métaphore pour métaphore, celle de l'éclosion, associée à celle de l'oeuf cosmique. S'il est incontestable qu'il y eut violence à l'origine, faut-il en conclure que cette violence doit être absurde comme dans une explosion, faut-il exclure qu'il puisse s'agir d'une violence ayant un sens, comme celle de l'éclosion?

Vie

«Seule la vie peut donner la vie. L’intelligence peut façonner, mais étant morte, elle ne peut donner une âme. De la vie seulement peut jaillir le vivant.» Goethe, Zahme Xenien

Mort

«Est dit éternel ce qui par soi ne peut changer ni vieillir ni périr. Une sublime amitié est éternelle en ce sens qu'elle ne peut être atteinte qu'obliquement et par des événements qui lui sont tout à fait étrangers. L'amour prétend être éternel. Les pensées les plus assurées, comme d'arithmétique et de géométrie, sont éternelles aussi. La durée, au contraire, est essentielle à tout ce qui change et vieillit par soi. L'idée de rassembler tout l'éternel en Dieu est raisonnable, quoique sans preuve à la rigueur, comme au reste tout éternel, amitié, amour, arithmétique.» (Alain, Les dieux et les arts)

Dieu

«On va à Dieu par des commencements sans fin», écrit un Père de L’Église. Cette page est notre premier commencement… Une parfaite définition de Dieu par le plus grand des théologiens serait moins à sa place ici que nos balbutiements. Étant les auteurs d’une oeuvre qui comporte déjà mille allusions à Dieu, c’est à nous, cohérence oblige, qu’il appartient d’évoquer le foyer vers lequel convergent ces allusions.

Homme

L’humanisme est une vision du monde où tout gravite autour de l’homme comme tout gravitait autour de Dieu dans la vision antérieure en Occident. Ainsi défini, l’humanisme est le produit d’une révolution copernicienne inversée: l’homme, auparavant satellite de Dieu, devient l’astre central.

Plantes et animaux

La plante est immobile et choyée. Sa nourriture lui est donnée. Il lui suffit pour l’accueillir de laisser croître ses racines dans la terre et dans le ciel. L’animal doit chercher sa nourriture, et pour cela, il est libre dans ses déplacements. Sans doute est-ce la raison pour laquelle on l’a associé étroitement à l’homme, mais ainsi amputé de sa dimension plante, ce dernier n’allait-il pas s’éloigner de ce qui deviendrait un jour un idéal pour les jeunes et pour les vieux une nécessité i : contempler et à cette fin rester immobile.

Amour

Tout dans l’univers, et l’univers lui-même, tend vers le froid uniforme, et un désordre qui n’est rien d’autre que la rupture des liens unissant  les éléments constitutifs du vaste ensemble. Dans ce monde qui se défait, les êtres vivants sont des points d’ordre qui contredisent la loi générale. En eux l’énergie, qui se dégrade tout autour, se concentre pour former tantôt une plante qui grimpe, tantôt un animal qui vole, tantôt un animal qui pense... qui aime, qui aime ô merveille! au-delà de ce que l’espèce exige de lui pour assurer sa propre reproduction.

Vérité

Qu’est-ce que la vérité ? Pourquoi nous donnons-nous tant de mal pour la trouver, la défendre et la répandre ? Tentons d’abord de répondre par le recours le plus simple et le plus spontané à la raison. La vérité c’est la vie, ce qui assure sa persistance et sa croissance : distinguer la plante toxique de la plante nourricière, la vraie beauté, celle qui élève par opposition à celle qui dégrade. La preuve est dans le résultat, dans le degré d’accomplissement des êtres en cause. 



Liberté

En bas de cette échelle, l’élan impétueux de l’animal sauvage bondissant hors de sa cage-piège; en haut un sage ébloui par ses principes, un mystique ravi par son Dieu. Impulsion dans le premier cas, contemplation dans le second. Point de choix en ces extrêmes. «Les instincts des animaux survivent dans l’homme à l’état d’ébauche.» (K.Lorenz). À leur place, un grand vide angoissant. Ce vide est le lieu de naissance de la liberté.

Bien

Le mal dont le bien doit triompher en nous pour nous rendre meilleur n’est pas une simple carie dentaire qu’on peut obturer en quelques secondes, mais une infection centrale résistant aux antibiotiques. La vie de celui qui désire vraiment en guérir ressemblera à un chenin de croix ou à la marche d’un Bouddha à recherche de la voie du milieu.

Beauté

« C'est à coups de tonnerre et de feux d'artifice célestes qu'il faut parler aux sens flasques et endormis. Mais la voix de la beauté parle bas: elle ne s'insinue que dans les âmes les plus éveillées. Doucement mon bouclier a vibré et a ri aujourd'hui : c'était le frisson et le rire sacré de la beauté! » Nietzsche

Société

«Si les citoyens pratiquaient entre eux l'amitié, ils n'auraient nullement besoin de la justice; mais, même en les supposant justes, ils auraient encore besoin de l'amitié.» ARISTOTE, Éthique à Nicomaque

Désengagement

Proche du scepticisme sur le plan intellectuel, la neutralité est aussi proche de l'indifférence sur le plan affectif et de l'indifférentiation sur le plan physiologique. 

Politique

D’abord la justice et bien commun! Il sera souvent question de la démocratie dans cette synthèse. Trop peut-être, car en ce moment, dans les démocraties occidentales du moins, dont certaines sont en voie de désintégration, on a recours au concept de démocratie lui-même comme critère pour juger de la situation concrète dans les démocraties en cause. Funeste tautologie contre laquelle Aristote nous avait mis en garde.

Justice - droit et droits

C'est dans l'indignation devant l'injustice qu'il faut d'abord chercher la voie de la justice. Il faut toutefois au préalable pouvoir distinguer le sentiment authentique et universel d'injustice de l'insatisfaction personnelle qui est à l'origine des revendications.

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Nourriture et culture

Sapere : goûter et savoir. Associer ces deux expériences pour mieux comprendre l’une et l’autre et s’habituer ainsi à distinguer la vraie culture, nourricière, de la fausse, réduite au divertissement. Deux sujets vastes.

Éducation

La perspective historique la plus longue possible est la voie royale pour préciser le diagnostic et trouver les meilleurs remèdes au mal qui frappe l’éducation.



Caractère et personne

La caractérologie, une science en plein essor au début du XXème siècle, semble être aujourd’hui en voie d’extinction. Ne serait-ce pas parce que le caractère des personnes a disparu ? Certains maîtres en cette discipline, dont Ludwig Klages, en avaient prédit l’extinction pour cette raison.

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Sport

Plus un sport est naturel, plus il y a de chances qu'on puisse le pratiquer longtemps, parce qu'on en aura toujours le goût et les moyens. Quel que soit le sport choisi, il ne restera durable que si on le pratique avec mesure, dans le respect de l'ensemble de l'organisme et de chacun des organes et des muscles sollicités, avec en outre le souci de rendre toujours plus harmonieux les rapports de l'âme et du corps.

Art

«C'est par le truchement de l'expression artistique que les valeurs les plus hautes acquièrent une signification éternelle et une force capables d'émouvoir l'humanité. L'art possède la faculté illimitée de transformer l'âme humaine — faculté que les Grecs appelaient psychagogia. Seul, en effet, il dispose des deux éléments essentiels à l'influence éducative: une signification universelle et un appel immédiat. Parce qu'il combine ces deux moyens susceptibles de faire autorité sur l'esprit, il surpasse à la fois la réflexion philosophique et la vie réelle.» Werner Jaeger, Paideia: la formation de l'homme grec

Science

Faire acte de science c’est échapper à la contrainte sous toute ses formes : préjugés personnels, conformisme, tradition, pression sociale, financière, opinion majoritaire, y compris celle des pairs. Serait-ce la raison pour laquelle la science a fleuri dans la Grèce antique puis dans l’Europe moderne. Et n’est-ce pas en raison de  l’oubli de cette règle qu’elle tombée en disgrâce dans la Russie stalinienne et les États-Unis de Donald Trump ?

Philosophie

L'attente active, celle qui consiste à soumettre à la critique les réponses imparfaites, Socrate l'appelait philosophie, mot qui signifie amour (philein ) de la sagesse (sophia). Cet amour s’accomplit à deux conditions : la rigueur dans la pensée et le souci de la purification dans la vie personnelle. 

Technique

Quelques regards critiques dans un contexte, celui du progrès technique, où l’approbation inconditionnelle et universelle va de soi, en dépit de cette mise en garde maintes fois formulée : « ce qui est possible devient nécessaire.» Qui donc en ce moment veut et peut s’opposer aux innovations, souvent discutables pourtant, dans le domaine des techniques de reproduction humaine?

Ordinateur

Le mot ordinateur a des origines théologiques. Celui qui a proposé de traduire computer par ordinateur, Yves Perret, a justifié son choix en précisant que le mot ordinateur se trouve dans le dictionnaire Littré comme adjectif désignant Dieu en tant qu'Il est celui qui met de l'ordre dans le monde. L'ordinateur ressemble pourtant moins à Dieu qu'à l'homme [...]

Christianisme

Selon Marguerite Yourcenar, Marc Aurèle,le sage Marc-Aurèle, le divin Marc, est le Romain de l’antiquité dont il subsiste le plus de sculptures. Preuve qu’il a été le plus  admiré, aimé. S’il est vrai que la qualité d’un amour se mesure à la beauté, à la variété et au nombre des œuvres d’art qu’il a inspirées, le christianisme est une prodigieuse histoire d’amour.

Notre catholicisme

Ce catholicisme qui nous a faits ! Plusieurs sont d’avis qu'il nous a défaits à la fois politiquement et psychologiquement. Depuis 1960, ils ont eu toutes les tribunes dont ils pouvaient rêver pour exposer leurs regrets et leurs doléances. Dans cette synthèse, nous voulons donner la parole à ceux qui, sans avoir renoncé à leur esprit critique, veulent bien reconnaître que le catholicisme nous a aussi faits… un peu, a contribué à notre épanouissement et à notre accomplissement, en tant que peuple comme en tant qu’individus. Même si elle ne devait être qu’un dernier adieu reconnaissant, cette synthèse est nécessaire [...]

Québec

Le Québec est un microcosme. Se trouve-t-il un seul groupe humain sur la planète auquel il ne ressemble pas par quelque côté?
On y parle les deux langues qui ont le plus contribué à faire le monde tel qu'il est aujourd'hui: le français et l'anglais. La société de ce Québec était traditionnelle, médiévale même, il y a à peine cinquante ans; elle devance aujourd'hui la Californie dans certaines expérimentations.