Dostoïevski et Balzac

Chronique des lettres françaises
La nouvelle génération des écrivains russes, les Pilniak, les Ivanov, etc. vit sous l’influence de Dostoïevski; les critiques étudient son œuvre et ont signalé l’influence qu’exerça sur lui un autre écrivain de génie : Balzac. Le premier travail signé de Dostoïevski est, en effet, une traduction d’Eugénie Grandet (1844). Balzac était alors le romancier à la mode en Russie, grâce surtout à une revue, La Bibliothèque de Lecture, qui publiait également des critiques sur les œuvres du grand romancier. Le jeune Dostoïveski y lut un jour que Balzac avait trouvé ce que la littérature cherchait depuis longtemps : la femme véritablement malheureuse; de là l’idée de son premier roman, Les Pauvres Gens. Sa correspondance, ses romans de cette époque renferment de nombreuses expressions de Balzac.

L’influence de Balzac se fit d’ailleurs sentir jusque dans la dernière période des œuvres de Dostoïevski. La revue Vrémia, qu’il dirigeait avec son frère Michel, faisait une large place à la critique balzacienne et Grigoriev y rapprochait, dans un article, les quatre noms de Gogol, Balzac, Nékrassov et Dostoïevski, qui puisèrent leurs sujets dans la vie fantastique des cités modernes, tandis que Tourgueniev, Tolstoï, Gontcharov s’intéressent surtout à la vie rurale.

Des personnages de Dostoïevski évoquent à notre mémoire des figures de la Comédie humaine, Sophie Marmeladoff, de Crime et Châtiment, ou Raskolnikov, qui rappelle Rastignac; Dostoïevski a eu recours à Balzac pour fortifier sa pensée philosophique principale : « Qu’on ne peut édifier sur la souffrance d’autrui, ni le bonheur personnel, ni le bonheur universel. »

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