George Sand est immortelle par Consuelo

Alain
Attention : Texte du domaine public au Canada; il est cependant protégé par le droit d'auteur en France et dans les pays de l'Union européenne.

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George Sand est immortelle par Consuelo, oeuvre pascale. C'est notre Meister, plus courant, plus attachant par l'aventure, et qui va au plus profond par la musique, comme fait l'autre par la poésie. J'y joins la Comtesse de Rudolstadt, car il faut suivre l'histoire du génie chanteur jusqu'à sa délivrance, où il chante enfin comme les oiseaux. Mais vous trouverez mieux votre résurrection en ces cinq volumes si vous avez expérience, comme je le souhaite, de notre Schola et du vieux maître à tête de lion exerçant le pouvoir absolu sur cent têtes frivoles ; image renouvelée de Nicolas Porpora, du chant sacré de l'invisible Consuelo, et de sa voix sublime ; oeuvre et modèle ensemble.

Ici sont rassemblées majesté, puissance, justice, obéissance, égales et échangées, enfin toute la religion possible. Car le chœur trouve son salut et nous en fait largesse, comme le corps humain trouve salut et grâce dans le chant, par obéir ensemble et commander, par joindre ordre et puissance, et enfin tout résoudre dans le royal accord. Ici l'esprit trouve résonance, et la matière répond au delà. L'éternel paraît. Cette religion n'a point d'incrédules.

Que peut un livre ? Mais attention, mes amis, ce n'est pas une petite chose qu'un livre ; ami de solitude, par d'autres préparations, par des voies indirectes et sinueuses, il discipline le raisonnement, trop sauvage encore. La religion bavarde trop souvent au lieu de chanter. Ainsi toute l'injustice du monde, et la violence même, renaissent de la musique par une théologie renversée. Hier, en cette fête du soleil, des musiciens défilaient au pas militaire ; un blessé suivait, allongeant sa béquille, avec une trompette aussi, et partant pour la guerre. Le malheur est qu'une musique, même de trompettes, prouve fortement quelque chose qu'on ne sait dire, et ainsi prouve n'importe quoi.

L'âme juste voudrait nier la musique, et se trouve triste et seule. Ce n'est pas un petit travail d'accorder sagesse et musique. Platon nous a tracé plus d'un chemin.

Pousser la musique au delà de l'amusement ; en faire gymnastique du corps entier par le chant. Par ce côté-là chercher le vrai triomphe, qui est le salut. Ainsi surmonter l'applaudissement et même la gloire. Méditer continuellement sur le plus austère et le plus difficile ; par ce moyen descendre en ses passions et les remonter. Reconnaître en ce savoir-faire le modèle de tous les genres de pensée ; régler autant que l'on peut toutes ses pensées sur ce mouvement assuré. Les ramener là ; les joindre toujours à ces mouvements du cœur délivrés par la musique. De là réfléchir et débrouiller, mais sans s'éloigner, et revenant là, et toujours chantant. D'une vertu faire toutes les autres, et d'un métier, le métier d'homme. Ainsi par souterrain travail, à travers embûches et pièges, toujours aller du beau au vrai, et du son juste à l'action juste. Vivifier la religion à son antique source, et subordonner la théologie à ses vraies preuves ; tel est le chemin de Consuelo ou Consolation.

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