Clôtures de vie

Jean Hamann
Des chercheurs en agroforesterie de l'Université Laval (Québec) démontrent les mérites des haies vives au Mali qui servent à la fois de clôture vivante et fournissent aux propriétaires des produits pour leur usage personnel ou pour la revente. Article paru dans Au fil des événements, publié par l'Université Laval, édition du 11 mars 2004.
L'idée est séduisante: remplacer des clôtures de fortune faites de branches mortes par des arbustes vivants qui fournissent des fruits et des produits utiles tout en empêchant le bétail de brouter dans les champs. Encore fallait-il en démontrer la faisabilité sur le plancher des vaches. C'est cette preuve qu'apportent Virginie Levasseur et Alain Olivier, du Département de phytologie de l'Université Laval, et leur collègue Mamadou Djimdé, au terme d'une étude réalisée auprès de paysans de la région de Ségou au Mali.

Les chercheurs, qui livrent le fruit de leur investigation dans un récent numéro de la revue scientifique Agroforestry Systems, rapportent que, trois ans à peine après la mise en terre de jeunes plants de cinq espèces d'arbustes épineux servant de clôture vivante, 75 % des paysans en avaient déjà tiré au moins un produit. L'arbuste le plus prisé est le Lawsonia inermis qui produit du henné, une teinture utilisée traditionnellement pour colorer les mains et les pieds. La moitié des paysans en ont récolté pour leurs besoins domestiques et 30 % en ont eu suffisamment pour en vendre au marché. Les propriétaires ont aussi récolté des parties de plantes aux vertus médicinales (40 %), des fruits (40 %), des graines pour créer d'autres haies vivantes (20 %) ou du tanin pour traiter le cuir (15 %).

La chèvre et le chou
Ces haies vives pourraient donc avantageusement remplacer les traditionnelles clôtures de branches mortes utilisées par les paysans maliens pour empêcher le bétail de brouter dans leurs champs, estiment les trois chercheurs. Fréquemment attaquées par les termites qui y créent des brèches, les clôtures de branches mortes exigent des réparations annuelles. De plus, l'approvisionnement en branches pose problème à mesure que la superficie de terres cultivées augmente.

Autre avantage intéressant, les clôtures vivantes éliminent une source potentielle de conflit entre cultivateurs et éleveurs de bétail. La coutume veut que les éleveurs maliens laissent leurs bêtes paître librement pendant la saison sèche, qui dure près de neuf mois dans ce pays, pour qu'elles mangent les restes de récoltes tombés dans les champs. «L'urbanisation rapide de la population malienne a forcé le développement de la culture pendant la saison sèche, de sorte que les terres publiques, où le droit d'usage prime, sont convoitées par les deux groupes», signale Alain Olivier. Grâce aux haies vives, il est désormais envisageable d'aménager la chèvre et le chou.

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