Ballade Ponchon

Jean Richepin
De Jean Richepin et Maurice Bouchor, Raoul Ponchon disait: «ces plus que frères.»
Vous pouvez être un grand savant,
Aussi grand qu'on se l'imagine,
Avoir noirci fort et souvent
Votre papier de plombagine,
Mettre votre esprit en gésine,
Pour vous bourrer le cabochon,
Vous ne serez qu'une aubergine
Si vous n'avez pas vu Ponchon.
 
Allez où vous pousse le vent,
En France, en Amérique, en Chine,
Allez du Ponant au levant,
Du nord au sud, ployant l'échine ;
Voyez le salon, la cuisine ;
Vous ne serez qu'un cornichon,
Cornichon comme à l'origine,
Si vous n'avez pas vu Ponchon.
 
De Ponchon je suis le fervent,
Ponchon est grand comme une usine.
Ponchon est le seul vrai vivant.
Et j'attraperais une angine,
Criant comme une merlusine,
Pour que, du palais au bouchon,
Chacun pût dire à sa voisine:
Si tu n'avais pas vu Ponchon !!!
 
ENVOI
 
Prince, homme ou femme, ou androgyne,
Vous ne valez pas un torchon
Et n'aurez jamais bonne mine
Si vous n'avez pas vu Ponchon.
 

À Raoul Ponchon


Tu sens le pain, ô pâte exquise sans levain.
Salut Ponchon! Salut, trogne, crinière, ventre !
Ta bouche, dans le foin de ta barbe, est un antre
Où gloussent les chansons de la bière et du vin.
 
Aux roses de ton nez jamais l'hiver ne vint.
Tu bouffes comme un ogre et pintes comme un chantre.
Tous les péchés gourmands ont ton nombril pour centre.
Dans Paris, ce grand bois, tu vis tel qu'un sylvain,
 
Sachant tous les sentiers, mais fuyant les fontaines,
Flairant les carrefours, les ruelles lointaines,
Où les bons mastroquets versent le bleu pivois.
 
Et j'aime ton plastron d'habit bardé de taches,
Ton pif rond, tes petits yeux ronds, ta chaude voix,
Et l'odeur de boisson qui fume à tes moustaches.
 

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