Le spleen est dans l’oeil

Jean Hamann
La luminothérapie restaure la fonction de la rétine chez les personnes atteintes de dépression hivernale.
L’équipe du professeur Marc Hébert de la Faculté de médecine vient de faire la première démonstration que la luminothérapie a un effet biologique sur le fonctionnement de la rétine chez les personnes qui souffrent de dépression hivernale. Cette découverte, qui constitue une bonne nouvelle pour les personnes qui souffrent de cette maladie – et aussi pour les fabricants de lampes thérapeutiques -, a été présentée lors de la 8e Journée annuelle de la recherche de la Faculté de médecine, qui avait lieu le 31 mai sur le campus.

La dépression hivernale, aussi appelée dépression saisonnière ou encore trouble affectif saisonnier, cause des problèmes d’humeur qui se manifestent de façon récurrente en automne ou en hiver et qui disparaissent naturellement au printemps. Environ 900 000 Canadiens souffrent de ce mal qui résulterait d’un dérèglement de deux neurotransmetteurs présents dans le cerveau et dans l’oeil, la sérotonine et la dopamine. Ce dérèglement surviendrait à la suite de la diminution de la photopériode à l’automne. On sait depuis une vingtaine d’années que la luminothérapie constitue un traitement efficace contre ce mal, mais on ignore pourquoi.

Marie-Pier Lavoie, Guylain Bouchard, Anne-Marie Gagné, Marie-Claude Charron, Alexandre Sasseville, Maude Lemieux, Philippe Tremblay et Marc Hébert ont comparé la fonction rétinienne de 22 personnes frappées par la dépression hivernale à celle de 16 sujets normaux, avant et après un traitement de luminothérapie. Les participants déprimés devaient s’exposer à la lumière produite par une lampe pendant quatre semaines, à raison de trente minutes chaque jour. L’intensité de cette lampe (5000 lux) équivaut au dixième de la luminosité d’une journée ensoleillée d’été ou à dix fois l’éclairage normal d’un bureau.

À l’aide d’électrorétinogrammes – une mesure de l’activité électrique de la rétine -, les chercheurs ont démontré que la fonction rétinienne diminuait significativement entre l’été et l’automne chez les personnes atteintes de dépression saisonnière alors qu’elle demeurait stable chez les sujets du groupe témoin. La baisse de la fonction rétinienne, qui n’affecte pas la vision, mesure indirectement le dérèglement des neurotransmetteurs, souligne Marie-Pier Lavoie. Au terme de quatre semaines de luminothérapie, la fonction rétinienne des sujets déprimés était revenue au niveau estival et elle équivalait à celle des sujets normaux. Selon les critères médicaux, 100 % des sujets déprimés avaient vu leur état s’améliorer d’au moins 50 %, et 80 % des sujets étaient même en rémission. En guise de comparaison, le traitement avec antidépresseurs donne des résultats dans 60 à 70 % des cas. «Auparavant, on disait que la luminothérapie était efficace parce que les sujets déclaraient se porter mieux, souligne Marc Hébert. Nous apportons la première démonstration que l’efficacité de la luminothérapie repose sur un changement biologique au niveau de la rétine, et pas uniquement sur un effet placebo.

Autres articles associés à ce dossier

À lire également du même auteur

La peur, pire que le mal
Ce livre marque le retour de l'esprit critique à l'égard de la médecine. Vers la fin de la décennie 1970, suite à la publication de La Némésis médicale d'Ivan Illich et aux premières percées de l'anthropologie médicale, on pouvait croire que l'esprit critique à l'

Une pilule pour le coeur et la taille
Un nouveau médicament, mis à l'essai chez 1036 obèses, a produit des résultats spectaculaires tant pour la taille que pour le coeur, viennent d'annoncer le chercheur Jean-Pierre Després, de la Faculté de médecine de l'Université Laval, et son collègue Robert M. Anthenelli,

Un préhenseur robotique pour le nettoyage des installations nucléaires en Grande-Bretagne
Une nouvelle version du préhenseur SARAH, conçue par une équipe du Département de génie mécanique, prendra bientôt la route de la Grande-Bretagne pour prêter main-forte aux opérations de démantèlement d'installations nucléaires. En effet, depuis quelques mois, l'Ã

Thermomètre floral
Les voyantes lisent l'avenir dans les feuilles de thé. Claude Lavoie et Daniel Lachance, eux, lisent le passé dans les fleurs printanières. Les deux chercheurs du Centre de recherche en aménagement et développement viennent de publier dans l'American Journal of Botany une étude qui

Quand la science fait la une
Lorsque les médias prennent brusquement un virage scientifique pour traiter, à la faveur d'une crise, des sujets comme l'effet de serre, la vache folle, le clonage humain, le syndrome respiratoire aigu ou la grippe aviaire, c'est trop souvent pour s'engager à pleine vapeur sur l'autoroute d

Pas de pilule miracle
Les médicaments anti-cholestérol améliorent le profil des lipides sanguins et la réponse physiologique des artères, mais ils n'augmentent pas — du moins pas à moyen terme — la capacité de travail du coeur des personnes atteintes de maladies cardiovasculaires, rapport

Mieux vaut tard que trop tôt
En matière de pontage coronarien, le plus tôt n’est pas forcément le mieux, suggère une étude menée à la Faculté de médecine. En effet, les personnes qui subissent un pontage dans les premières heures ou les premiers jours qui suivent un infarctus courent de quatr

Lutte biologique: trois bogues
Malgré les progrès spectaculaires enregistrés par les agents de lutte biologique au cours des dernières années, trois nuages noirs planent sur leur avenir. C'est ce qu'a expliqué le professeur Jacques Brodeur, du Département de phytologie, à la centaine de personnes qui parti




L'Agora - Textes récents