Le retard mental héréditaire mieux compris

Jean Hamann
Des chercheurs de la Faculté de médecine de l'Université Laval découvrent une autre protéine qui interviendrait dans le syndrome du X fragile.
Une équipe de la Faculté de médecine vient de faire un pas de plus dans la compréhension du syndrome du X fragile, la principale cause de retard mental héréditaire sur la planète. L'équipe d'Edouard Khandjian vient de démontrer que, dans les neurones exclusivement, une protéine appelée microsphérule P58 (MSP58) est étroitement associée aux protéines FMRP, celles-là même qui sont au coeur du syndrome du X fragile. Le professeur Khandjian et ses collègues Laetitia Davidovic, Elias Bechara, Maud Gravel, Xavier Jaglin, Sandra Tremblay, Attila Sik et Barbara Bardoni livrent les détails de leur découverte dans le dernier numéro de Human Molecular Genetics.

Les travaux antérieurs de cette équipe avaient cerné le manque de protéines FMRP comme principale cause du mauvais fonctionnement neuronal chez les enfants frappés par cette maladie. En conditions normales, les FMRP se lient aux ARN messagers produits dans les noyaux des neurones et elles font en sorte qu'ils soient exprimés au bon endroit et au bon moment dans ces cellules très allongées. "Il y a déjà quelque temps, nous avons émis l'hypothèse que les FMRP pourraient agir de concert avec des partenaires cellulaires pour moduler les fonctions des ARN messagers nécessaires au bon fonctionnement des neurones. Notre publication apporte la preuve que les FMRP ne sont pas toute seules", souligne le professeur Khandjian.

Les protéines FMRP et MSP58 font partie de structures cellulaires extrêmement complexes que les chercheurs ont entrepris de décortiquer. "L'absence d'un des partenaires, comme dans le cas du X fragile où les FMRP manquent, réduirait l'efficacité de la machine de transport et de synthèse des protéines nécessaires au bon fonctionnement des neurones", avance le chercheur. Il a fallu deux années de travail à cette équipe pour démontrer que la MSP58 accompagne les FMRP dans les neurones, mais pas dans les autres cellules de l'organisme.

À en juger par la réaction des éditeurs de Human Molecular Genetics, il s'agit d'une découverte significative dans le domaine du syndrome du X fragile. "Notre manuscrit a été soumis le 14 février 2006 et son acceptation finale est survenue le 19 mars, signale le professeur Khandjian. La décision des éditeurs de le faire passer en "Fast Track" super rapide est indicatrice de la qualité du travail." Le chercheur se réjouit du fait que leur récente découverte confirme leur conception de cette maladie, mais il constate du même coup que l'étude des FMRP n'en sera que plus complexe. "C'est ce à quoi il fallait s'attendre d'une molécule qui régit les fonctions cognitives supérieures et sûrement l'affect chez l'humain", conclut-il. Le syndrome du X fragile se manifeste par des problèmes d'apprentissage du langage et par des comportements hyperactifs ou autistiques chez l'enfant.

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